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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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s’approchaient, alors... Le poignard se leva.
    Une ombre noir et blanc fila entre ses jambes, poursuivant un rat jusque sous le nez des sentinelles.
    — Encore ce chat ! grogna le garde.
    — Ben, au moins, lui, y fait son boulot, remarqua l’autre en donnant une bourrade à son compagnon. C’est ça, ton bruit !
    — La relève va pas tarder. Ce satané brouillard m’endort.
    — On mange le sable ?
    — La dernière fois qu’on a retourné le sablier on s’est fait coincer ! protesta l’autre. Et moi, prendre des corvées en plus pour gagner une heure sur ma paillasse, c’est pas mon affaire.
    — Bon, bon, fit le marin. J’vais faire un tour, alors.

21
    À bord du knörr, Eleonor dormait depuis longtemps. Elle s’était habituée très vite au branle, découvrant dans le balancement de la houle un moyen rapide et sûr pour trouver le sommeil. Le navire de charge remuait doucement, soulevé par le mouvement souple des vagues. La brume le cernait.
    Sur le pont allaient et venaient silencieusement les marins assurant le « quart du cimetière », la veille la plus rude, entre minuit et quatre heures du matin.
    La jeune fille ne sut jamais si c’était le bref grognement de son chien ou un frôlement sur le bois qui l’avait réveillée en sursaut. Le coeur battant, elle se retourna.
    Un rayon de lune tombait sur la poignée de porte qui s’abaissait lentement. Eleonor avala sa salive. La poignée remonta, puis s’abaissa de nouveau.
    Un gémissement lugubre retentit, lui arrachant un frisson. Plainte du bateau ou de celui qui se tenait là derrière, tout proche ? Elle se leva sans bruit, posant ses pieds nus sur le plancher glacé, et alla coller son oreille au vantail.
    Il lui semblait entendre une respiration. Les yeux agrandis par la peur, elle fouilla dans son mantel à la recherche de son poignard. Tara poussa un grondement sonore.
    La poignée remonta d’un coup. Un bruit de pas légers, puis plus rien.
    Elle passa la main sur la tête du chien, le caressant en cherchant à recouvrer son calme, hésitant à ouvrir. Puis, glacée, elle se recoucha, se pelotonnant sous sa couverture, son poignard serré contre elle.
    Qui cela pouvait-il être ?
    Pas Gautier ! Il n’était même pas descendu à terre et dormait dans sa toile, un cruchon vide sur le ventre, ronflant comme un bienheureux.
    Un marin ivre ? Un passager ? Tout était possible.
    Était-ce la joie d’avoir échappé aux écueils et aux dangers du brouillard ? Hormis le petit moine remonté à bord avec son écuelle, ils avaient tous bu ce soir-là.
    Même le Lombard était méconnaissable, le visage rouge, les yeux injectés de sang, il expliquait en bégayant la route qu’ils allaient suivre au pèlerin que son discours semblait passionner. Seul le poète, très droit malgré de nombreux godets d’hydromel, avait continué à discourir, récitant des reverdies qui l’avait fait rougir. Une fois rassasiée de viandes grillées, d’assauts courtois et de poésie, Eleonor avait fini par l’abandonner aux charmes de la boisson.
    Elle avait regagné le bord, se félicitant une fois de plus d’avoir adopté le grand chien.
    Tara somnolait à nouveau sur sa natte.
    La jeune fille se tourna et se retourna dans son couchage et finit par s’endormir peu avant l’aube, faisant des rêves agités où des marins armés de haches et de crocs lui couraient après en hurlant.
    Quand, enfin, elle se réveilla, le bateau grinçait et des appels résonnaient sur le pont. Elle réalisa qu’il faisait jour et se leva d’un bond. Après avoir mis un peu d’ordre dans sa toilette, elle courut sur le pont.
    Il n’y avait plus trace de brume. Le temps était clair et lumineux. Le bateau avait quitté les Écrehou et arrivait en vue de l’île de Jersey.
    Ils longeaient des falaises et des plages de sable fin. Au loin tournaient les ailes d’un moulin. Les deux bateaux se dirigeaient vers une anse où se balançaient des barques de pêche. Sur un îlot, non loin du port, se dressaient les contreforts d’une abbaye fortifiée. Au-dessus de la ville, protégé par des palissades de bois, un manoir était apparu. Les couleurs d’Henri II flottaient au mât. Le village, une centaine de maisons de pêcheurs en bois aux toits de chaume, était vaste et animé.
    — Vous avez bien dormi, damoiselle ? demanda la voix du pèlerin qui s’était approché sans bruit.
    Eleonor sursauta, puis se tourna vers lui.
    — Maître Richard,

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