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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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partisan. D’un côté, l’enrôlement obligatoire venait d’un gouvernement d’union composé en bonne partie de libéraux. De l’autre, tant chez les francophones que chez les anglophones, une majorité des jeunes conscrits avaient profité des exemptions. Très peu d’entre eux s’étaient finalement retrouvés exposés aux balles ennemies.
    — Selon la rumeur, la province a été balayée, intervint encore Thalie afin de détourner les convives de ce sujet délicat.
    — Cinq électeurs sur six ont appuyé le Parti libéral, à travers la province.
    — Et dans le comté de Rivière-du-Loup, que s’est-il passé ? demanda Mathieu afin de se faire pardonner sa dernière remarque.
    Le député rougit un peu au moment de préciser :
    — Personne ne s’est présenté contre moi.
    — Papa était tout à fait imbattable, intervint Amélie avec un bel enthousiasme filial.
    — Ce fut le cas aussi dans plusieurs autres comtés, précisa l’homme avec une modestie feinte.
    Sauf dans les endroits profitant d’une solide tradition conservatrice, ou alors d’un électorat en partie de langue anglaise, les candidats du parti d’opposition s’exposaient {

    recevoir un nombre risible de voix. Plusieurs avaient préféré déclarer forfait plutôt que de s’exposer { une totale déconfiture.
    — Au moins, ils ont pu faire élire leur chef, commenta Thalie.
    — Arthur Sauvé, de même que quatre de ses compères, ont bien été élus, précisa Dubuc.
    — L’opposition comptera aussi deux députés ouvriers, ajouta Mathieu.
    Dans ce cas aussi, la rumeur était fondée. Le politicien se renfrogna un peu avant de souligner :
    — Ce seront des appuis pour les libéraux. Nous ne leur avons opposé personne.
    Dans les comtés à majorité ouvrière, les syndicats favorisaient parfois la candidature de l’un de leurs membres. Si le personnage paraissait acceptable, le parti au pouvoir s’en faisait un allié en ne présentant aucun candidat contre lui.
    — Ne risquons-nous pas de voir les désordres de l’Ouest nous affecter? demanda Françoise, un peu inquiète des rumeurs de révolution venant des Prairies.
    — Non, nous n’avons pas ici de succursale des syndicats bolcheviques.
    — La loi martiale a été décrétée à Winnipeg, insista la jeune femme.
    Depuis la fusillade aux abords de l’Ecole technique, l’année précédente, tout le monde à Québec savait combien une situation
    de
    ce
    genre
    pouvait
    rapidement
    dégénérer. La capitale du Manitoba comptait déjà une victime.
    — La paix reviendra rapidement. La ville a formé un corps de police spécial pour rétablir l’ordre, expliqua son père pour la rassurer.

    — Cette police improvisée compte quatre fois plus de membres de la force policière en grève, rapporta Thalie.
    Cela laisse présager des affrontements pires que ceux des derniers jours. Des grèves d’appui ont éclaté { Vancouver et à Edmonton.
    Le conflit de travail paralysait la ville de Winnipeg depuis plusieurs jours. Littéralement, un comité ouvrier assumait le pouvoir dans cette agglomération industrielle.
    De plus en plus, on murmurait qu’il s’agissait d’un véritable
    «soviet» susceptible de reproduire au Canada la triste expérience de la Russie, survenue en 1917. La multiplication des arrêts de travail de sympathie dans de très nombreuses villes de langue
    anglaise
    ajoutait
    à
    cette
    frayeur
    croissante.
    Mathieu ne calma les craintes de personne en précisant:
    — A Toronto, les unions ouvrières paraissent s’engager sur une voie identique. On observe des mouvements du même genre au Royaume-Uni et en France. En Allemagne, l’anarchie est totale.
    Françoise arrêta le geste de porter sa fourchette à sa bouche, reposa l’ustensile dans son assiette en fixant ses grands yeux sur son voisin. Celui-ci se reprit :
    — Mais je suis convaincu, comme ton père, que nous ne risquons pas de connaître ici une révolution bolchevique. C’est { la fois plus complexe et plus simple que cela.
    — . . Comment cela ?
    — Pendant la guerre, les prix ont monté très vite, et les salaires aussi. Présentement, de nombreux employeurs font face au ralentissement économique. Ils réduisent les salaires afin de préserver leurs entreprises. Même maman a congédié ses vendeuses pour mieux faire face à la mauvaise conjoncture.

    De l’autre côté de la table, Marie cessa un moment de mastiquer. Elle précisa bientôt :
    — Je vous ai offert de

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