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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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baissés.
    — Les meubles sont de gros morceaux. Les gens paraissent se résoudre facilement à faire un an de plus avec du vieux, ou alors à accepter les dons d’une vieille tante.
    Edouard Picard acquiesça d’un signe de tête, puis il porta son attention sur le chef des ateliers.
    — Fulgence, entrez. Je suis à vous dans un instant.
    Le directeur quitta son chef de rayon sur une poignée de main, puis il revint prendre son fauteuil derrière sa lourde table de travail.

    — Les choses ne vont pas mieux? demanda le visiteur.
    — Avec tout ce monde sans travail, les grèves nombreuses, les ventes ne reprennent pas.
    — Pourtant, les rayons me paraissaient bien achalandés, tout { l’heure.
    Le chef des ateliers reprenait l’argument utilisé avec la secrétaire.
    — Les grands magasins deviennent des lieux de visite, un passe-temps comme les autres. Les gens tâtent, essaient parfois, mais ils n’achètent pas.
    Les chômeurs, justement, tuaient le temps en contemplant les marchandises accumulées et en contant fleurette aux vendeuses.
    Cela les aidait à attendre des jours meilleurs.
    — Il nous faudrait réduire les prix, conclut le jeune marchand. Enfin, ceux qui dépendent de nous.
    Excepté les vêtements, les entreprises PICARD achetaient leurs marchandises à divers ateliers.
    — . . Je vous assure, je gère au plus serré. Les bâtiments de la Pointe-aux-Lièvres sont délabrés, les machines à coudre datent parfois de l’ouverture, en 1897.
    — Dans les circonstances, l’interrompit le patron, il est bien heureux que nous n’ayons pas { amortir de nouvelles constructions ou des équipements. Nous vendrions carrément à perte.
    — Je ne fais que les dépenses absolument nécessaires, insista l’employé, l’entretien essentiel pour maintenir la production.
    En se plaçant tout de suite sur la défensive, Fulgence minait la confiance de son employeur.
    — Je ne vous fais pas de reproche, lâcha Edouard d’un ton peu convaincu. Je constate seulement que nos compétiteurs arrivent à offrir une chemise un peu meilleur marché que nous.
    — Je suis allé chez eux. Je vous assure, l’un dans l’autre, le Syndicat vend au même prix.
    Plus de vingt ans plus tôt, quelques chefs de rayon s’étaient rebellés contre la direction ferme de Thomas Picard au point de créer un magasin rival un peu plus à l’ouest, rue Saint-Joseph. Contre toute attente, l’entreprise avait survécu et même prospéré.
    — Je pensais plutôt au Woolworth.
    Le développement des magasins bon marché five-and-dime venus des Etats-Unis faisait la vie dure aux commerces établis depuis plus longtemps.
    — Nous ne vendons et ne fabriquons pas des produits d’aussi mauvaise qualité.
    — Mais les cultivateurs endettés, les travailleurs sans emploi ou victimes de réduction de salaire vont acheter dans ces commerces. En faisant la fine bouche, nous restons simplement avec plus d’invendus sur les étagères. Nous les soldons à perte au terme de la saison.
    — Votre père a toujours tenu à se positionner soigneusement entre des endroits plus chics comme Simons et ceux qui vendent de la camelote. La spécialité de la maison est d’offrir de la qualité au meilleur prix. C’est pour cela que les gens nous font confiance.
    Rien ne déplaisait plus { Edouard que d’entendre ses interlocuteurs évoquer la saine gestion et les excellents choix de son père, surtout s’ils avaient raison.
    — Nos prix demeurent tout de même trop élevés. Les ventes sont en chute. Il faut tenter de les relancer. Vous avez réduit le personnel, déjà ?
    — En plusieurs vagues successives. Cela a commencé il y a un an, à la fin des commandes militaires.

    — Foutue guerre ! Nous en avons souffert tout le temps de sa durée, nous en souffrons encore des mois après le retour de la paix.
    Le refrain nationaliste ne méritait aucun commentaire, alors le visiteur garda le silence.
    — Selon vous, nous ne pouvons réduire encore l’effectif tout en maintenant la même production? demanda le marchand après une pause.
    — Le personnel des ateliers travaille soixante heures par semaine. Personne ne perd son temps. Allonger encore l’horaire ne donnerait rien. Après un certain temps, les ouvrières commettent tellement d’erreurs que nous perdons de l’argent.
    — Dans ce cas, nous devons réduire les salaires. Nous les payons à la pièce ?
    — Evidemment.
    Les couturières touchaient une fraction de sou pour

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