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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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secrètes. Tu comprends, comme les Canadiens français s’enrôlaient en moins grand nombre que les autres, pour prouver leur courage et leur loyauté, les officiers essayaient d’en faire un peu plus. Combien de fois ai-je entendu, à la table du mess :
    «Nous allons leur montrer! Nous serons dignes de nos ancêtres de la Nouvelle-France. »
    L’enrôlement se faisait sur le thème de l’héroïsme de la race. Dollard des Ormeaux se trouvait porté aux nues par les responsables du recrutement.
    Catherine demanda bientôt d’une voix faible :
    — Ces deux hommes ?
    Elle attendit plusieurs secondes, puis son compagnon souffla :
    — Fusillés pour avoir refusé d’obéir aux ordres. En vérité, ils n’étaient ni réfractaires ni lâches.
    — Comme c’est horrible.
    Elle plaça sa main gantée sur celles de son compagnon.
    Depuis le repas, son gant à lui était demeuré dans sa poche.
    Afin de le rassurer, elle murmura encore :
    — Les autorités voulaient sans doute éviter que ces. .
    événements ne prennent la dimension d’une épidémie.
    Mathieu se tourna vers elle, contempla son visage posé, aux traits harmonieux.

— C’était l{ l’argument de ceux qui ont prononcé la condamnation à mort. Mais tu sais, je ne le crois pas.
    L’armée française a fusillé des centaines et des centaines de ses soldats. Ils affichaient pourtant une bravoure remarquable.
    D’un
    autre
    côté,
    l’armée
    australienne
    n’a
    fusillé
    personne de toute la guerre. Ses membres se sont montrés tout aussi courageux. Les exécutions ne tenaient qu’{
    l’imbécillité des officiers.
    Pour tout dire, ces exécutions lui avaient paru absurdes.
    Plutôt que de galvaniser les hommes, ces scènes ruinaient leur moral.
    — Nous rentrons, maintenant? proposa le vétéran.
    — Oui. Je ne voudrais pas faire jaser Gertrude.
    Il se leva le premier; offrit son bras à sa compagne. En traversant la Place d’Armes, Catherine demanda encore :
    — Il y a une finale { ton histoire, n’est-ce pas ?
    — Puisque j’étais leur officier, que je les avais dénoncés moi-même, on m’a donné l’ordre de diriger le peloton d’exécution.
    L’homme précisa après une pause :
    — En fait, le major a voulu me donner une leçon, me punir de les avoir trahis. J’ai mis tout le monde dans l’embarras, en plus de faire deux victimes.
    Il s’arrêta, leva la main droite pour agiter les quatre doigts, puis souffla :
    — Le lendemain, cela. .
    Quand ils se trouvèrent devant la boutique ALFRED, Mathieu déverrouilla la porte, entra afin d’allumer la lumière électrique. Sa compagne se tint devant lui un moment avant de lui confier :
    — Je te remercie de m’avoir parlé. Tu es très généreux.
    Mon frère a certainement aussi sa part de fantômes. Je comprends mieux son silence.
    Elle lui posa un baiser sur la joue, puis elle saisit sa main droite pour effleurer des lèvres la phalange tranchée net.
    — Si tu peux, ne porte plus ce gant.
    Elle se dirigea vers l’escalier, s’arrêta après avoir gravi trois marches.
    — Je le vois bien maintenant, tu avais raison. Je n’avais aucune idée des événements survenus là-bas. Je souhaite de tout mon cœur que tu saches te pardonner. Tu ne mérites pas les reproches que tu te fais à toi-même. . Merci encore.
    Elle s’empressa de monter vers l’appartement du troisième, des larmes sur les joues.

    Chapitre 13

    La vie à Rivière-du-Loup obéissait à un rythme plus lent, et les habitants de la grande maison blanche, rue de l’Hôtel-de-Ville, vivaient un bien petit drame, en comparaison avec la guerre : l’enthousiasme d’une adolescente { dénicher le bon parti.
    — Je te remercie d’avoir parlé { Amélie, laissa tomber Paul, soucieux de ne pas être entendu.
    La jeune fille occupait une chambre donnant sur la cour arrière de la demeure. Les conversations des occupants de la galerie de la façade risquaient peu de parvenir à ses oreilles. Toutefois, le jeu de fenêtres ouvertes et fermées pouvait réserver des surprises. Mieux valait demeurer discret.
    — C’est un rôle où je me sens un peu mal { l’aise, répliqua Marie. Je ne sais pas grand-chose des fréquentations des filles de notables. Mon expérience dans ce domaine demeure bien limitée.
    La femme n’avait pas fait le détail des avatars de sa jeunesse à son amant. Celui-ci savait seulement que son patron, chef de rayon chez PICARD, lui avait proposé le mariage même si son

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