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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Sainte-Geneviève, de ci-devant conventionnels : Lindet, Amar, Choudieu, Javogues, Ricord, Huguet, se réunissaient avec Gracchus Babeuf, libéré comme eux par l’amnistie de Brumaire. Venaient là aussi, entre autres, Le Pelletier de Saint-Fargeau, frère du représentant assassiné en 93 par le royaliste Paris, le marquis d’Antonelle, ex-juré au Tribunal révolutionnaire, Buonarroti, familier de Robespierre chez Duplay, Drouet – celui de Sainte-Menehould –, député aux Cinq-Cents. Ils comptaient déjà deux mille adhérents et ils espéraient reconstituer sous un autre nom le club des Jacobins, rétablir le régime de l’an II, achever la Révolution en instaurant l’égalité absolue par la suppression de toute propriété. Une dangereuse chimère, estimait Claude.
    Il le dit carrément dans La Sentinelle : « La Société du Panthéon vise un but idéal, sans aucun rapport avec la réalité des choses. L’égalité complète existera peut-être, un jour ; mais je doute que ce soit jamais par la suppression de toute possession individuelle, car la propriété répond à l’un des instincts les plus forts chez l’homme. Pour le moment, le retour aux aveugles agitations qui ont produit les catastrophes de Germinal, de Prairial, et ruiné à plat la Montagne, servirait uniquement la cause royaliste et anéantirait tout espoir de démocratie. »
    Babeuf ayant répliqué dans le Tribun du peuple en qualifiant « le ci-devant révolutionnaire Mounier-Dupré » de « jacobin repenti », Claude lui répondit avec indulgence : « Le citoyen Gracchus Babeuf sait bien qu’il me traite sans justice. S’il ne le savait pas, Robert Lindet, Amar, Huguet, Choudieu seraient là pour lui dire la vérité à mon propos. Quant à lui, il lui manque d’avoir, dans les plus effrayantes convulsions de la France, supporté le poids du gouvernement. Il y aurait appris combien peu la puissance des faits s’accommode avec les pures conceptions de l’esprit, et qu’à l’heure présente le devoir commande en premier lieu à tout patriote d’aider la nation à sortir de l’anarchie. La Révolution est faite. Toute nouvelle secousse la compromettrait. Au contraire, une sage mais inflexible volonté la conduira peu à peu au terme de la démocratie totale. »
    Revoyant ces phrases en épreuve, Claude se demanda s’il les eût écrites quand il n’avait pas d’enfants. Pour être un véritable révolutionnaire, ne fallait-il pas demeurer seul ? Saint-Just, père, aurait-il posé ses principes d’éducation Spartiate ? Danton ne proclamait-il pas la propriété sacrée à tout jamais parce qu’il entendait fermement transmettre les siennes à ses fils ? Et voilà qu’aujourd’hui je défends la propriété, moi si étranger autrefois à toute forme de possession ! Je ne suis plus pur, je me suis enlisé dans la vie conjugale. Bah !… Avec indifférence, il signa le bon à tirer. Puis un rire amusé, tendre, le prit. Enlisé, ah, ah ! je répéterai le mot à Lise.
    Il le lui rapporta, en effet, et elle rit, elle aussi, tendrement. « C’est drôle, reconnut-elle, mais mon bon ami j’ai quelque chose d’encore plus drôle à t’apprendre. Sais-tu bien que ma sœur va se marier avec notre beau-frère ?
    — Comment ça ? Ta sœur et notre… Je ne comprends pas.
    — Voyons ! Thérèse et Louis.
    — Thérèse et Louis ? Mais… Ah ! oui, vraiment suis-je sot ! Ils avaient divorcé. Je ne m’en souvenais plus. »
    Les remariages entre époux théoriquement séparés pendant la Terreur étaient communs depuis le printemps dernier. Louis et Thérèse eurent la coquetterie de faire du leur – simple formalité à la mairie – une petite fête familiale. On la célébra le 3 février 1796, 14 Pluviôse an IV. Il y manquait Bernard rudement occupé en Alsace. Par hasard, ou plutôt par suite d’un nouveau succès, Fernand se trouvait là, venu à Paris pour remettre lui-même au Directoire un prisonnier considérable : le trop fameux Sidney Smith, incendiaire de la flotte française à Toulon, en 93. Cet Anglais habile, tenace et rusé, dirigeant une flotte de cutters et de goélettes, était arrivé, en six mois, à paralyser complètement le cabotage dans le norois. Il frappait comme la foudre les navires de commerce, puis fuyait sous le nez des vaisseaux inaptes à saisir un ennemi si mobile. Cependant la division légère possédait, grâce au génial Sané, des bâtiments

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