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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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devant une commission militaire. L’affaire échappa presque complètement à Claude, car Lise se trouvait alors dans les douleurs. À la fin de cette nuit-là, elle mettait au monde une fille : Claire.
    Quand il répondit à cette bonne nouvelle, M. Mounier apprit à ses enfants la fin de Jean-Baptiste Montégut. Il s’était éteint dans sa maison du faubourg Manigne, succombant au chagrin qui le minait depuis la mort de l’infortunée Léonarde.
    Peu après, les Naurissane réintégrèrent Paris même où il leur serait plus facile de recevoir, comme le nécessitaient les affaires de Louis. Il avait opéré une de ses fructueuses combinaisons en thésaurisant les mandats territoriaux et en les réalisant (avant qu’ils ne fussent à leur tour démonétisés) sous la forme d’un bel hôtel d’émigré, sis rue des Victoires nationales, ou Notre-Dame-des-Victoires. Cet hôtel, entre cour et jardin, comprenait un bâtiment de façade sur la rue. Claude, intéressé dans l’opération pour quatre cent mille francs papier qu’il avait économisés devint possesseur dudit bâtiment. Il ne se vit pas sans un certain étonnement mué en propriétaire ; mais il n’en ressentait aucune mauvaise conscience. Il n’hésita pas non plus, pour installer là son ménage agrandi, à donner congé au locataire du premier étage : un diplomate hollandais peu embarrassé de se transporter ailleurs, car les logements inoccupés abondaient encore. Ici même, au rez-de-chaussée, deux grandes pièces communicantes, opposées sous la voûte cochère à la loge du portier, restaient vides.
    Au printemps de 1797, en ventôse an V, Claude se résolut à ouvrir dans ces pièces un cabinet d’avocat. La profession n’était toujours pas restaurée ; mais au Palais, qu’il fréquentait beaucoup depuis l’automne précédent, et où il avait noué certaines relations, plusieurs anciens maîtres du barreau ou magistrats, en particulier Bigot de Préameneu, ci-devant député à la Législative, Berryer, Guichard, laissant « défenseurs officieux » et « jurisconsultes » mener leurs trafics, se reconstituaient sur le pied de véritables avocats. Les juges leur témoignaient une considération marquée. C’est à eux qu’allaient tout naturellement les pratiques sérieuses, donc les causes attachantes. Claude crut devoir découvrir ses intentions à ces trois hommes, ajoutant : « De même qu’autrefois un avocat n’entrait point au prétoire sans l’assentiment de ses confrères établis, de même je me présente à votre agrément. » Ils lui répondirent que ses façons garantissaient son caractère, qu’au reste il avait fait ses preuves, et qu’il pouvait compter sur leur sympathie. D’autre part, Louis l’encourageait fort. « Le journalisme vous a été d’un bon secours, disait-il, mais vous ne devez point y demeurer. Vous possédez un renom de législateur ; en outre, vos articles ont répandu votre bon jugement, votre pondération. Les clients ne vous manqueront pas, soyez-en sûr ; les habitués de ma banque vous en fourniraient amplement. »
    À tout prendre, sa carrière de gazetier était close. La réaction de droite, provoquée par l’affaire du camp de Grenelle qui coûtait déjà la tête à l’ex-évêque Huguet, à Javogues et à vingt-neuf autres inculpés, aussitôt condamnés par la commission militaire, allait manifestement s’accroître. En ce moment, le reste des Égaux : Babeuf, son ami Darthé, Amar, Vadier (preuve qu’il n’était pas royaliste comme le prétendait Batz), Choudieu, Ricord, Antonelle, Buonarrotti, le père Duplay et son fils, comparaissaient devant une Haute Cour spécialement réunie. (Robert Lindet, Le Pelletier, Drouet, l’ex-général Rossignol avaient réussi à fuir.) Claude ne voulait ni attaquer à ce propos un gouvernement auquel il accrochait malgré tout ses espoirs, ni prendre parti contre ces hommes mal inspirés, peu sages, mais profondément généreux, martyrs de leur idéal comme l’avaient été Ruhl, Duquesnoy, Soubrany, Goujon, Bourbotte, en prairial an III. Et puis il se lassait d’écrire pour rien. Aucun article n’arrêterait ce perpétuel mouvement de bascule – tantôt à gauche, tantôt à droite – dans lequel la France s’épuisait. Il exposa ses raisons à Louvet.
    « Je te comprends trop bien, répondit le petit Jean-Baptiste. Le découragement me gagne moi aussi. La république, je le crains, finira par sombrer

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