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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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imaginaires. Avec le recul, tu introduis un ordre tout intellectuel là où régna toujours un désordre dont vendémiaire vient de nous réitérer l’exemple. Que des ultra-royalistes aient conspiré contre Marie-Antoinette et Louis XVI, c’est fort probable. Cela n’eût point amené le 10Août si nombre d’entre nous, ni royalistes ni orléanistes – et même, comme moi, hostiles à Danton, – n’avions fermement résolu de jeter bas la royauté, sans vouloir du reste aucun mal au roi ni à la reine. Et, sans souhaiter nullement la mort des Girondins, nous étions bien décidés, en mai 93, à les expulser de la Convention. On a beau jeu aujourd’hui de proclamer, comme Thibaudeau, que le 31mai fut une entreprise royaliste, et de s’en vanter, comme Batz. Il croit nous avoir joués, nous les municipaux, quand nous l’avons joué nous-mêmes. Il a fait ce qu’il nous convenait de laisser faire pour forcer la main à l’Assemblée. Personne n’eût introduit au comité de l’Évêché Dufourny, Varlet, Desfieux, Proly, Gusman et Perreya, ni substitué les Neuf à la Commune, si nous ne l’avions pas voulu. C’était une comédie entendue avec Lhuillier et Dobsen. Même si les manœuvres de la faction royaliste – ou plutôt des factions royalistes, car, je ne partage pas ton avis, il y en eut plusieurs, souvent ennemies, exemple l’agence de Paris et l’agence du comte d’Artois – ont été aussi subtiles que tu te le figures, leur résultat final favorise la Révolution. Batz, tu le constates justement, a travaillé, sans le vouloir ni le savoir, pour le succès de la bourgeoisie. Ce succès, malgré tout, consolide la république en préparant celui de la démocratie future. Nos luttes, nos sacrifices, nos erreurs, nos fautes, nos actes volontaires ou involontaires, ne furent donc pas vains. Nous sommes parvenus à tout ce que peuvent atteindre des hommes : une réussite relative. Le temps fera le reste.
    — Vous avez raison, mon cher Dubon, dit Naurissane. Il faut regarder l’avenir, non plus le passé. Je ne me demande pas si Thérèse et moi nous dûmes nos ennuis aux subtilités de conspirateurs royalistes ou bien à la rage envieuse des sans-culottes, ce que j’admettrais plus aisément. La Révolution, je ne l’ai pas aimée, et je n’aime guère, non plus, ses résultats. Je ne crois pas qu’un Barras, un La Révellière, un Rewbell vaillent mieux, au pouvoir, qu’un Calonne, un Loménie de Brienne, un Maurepas. Ils pourraient fort bien être les fossoyeurs de votre république, comme Terray fut celui de la monarchie. Mais il ne m’en chaut. Peu importent les régimes. Je ne me soucie ni d’ambassade ni de ministère. Nous avons retrouvé la possibilité de vivre paisiblement en faisant notre métier, je n’ambitionne pas davantage et seul cet avenir-là m’intéresse.
    — Mon métier, répondit Dubon, eh ! je serais trop heureux de le reprendre ! Seulement, il n’existe plus. Les procureurs ont disparu avec les anciennes cours. J’espérais me débarrasser des subsistances. Pas du tout. M’y voilà décidément attaché comme fonctionnaire au ministère de l’Intérieur. J’ai dû accepter, faute de me connaître aucune autre compétence… Mais regardez-moi ça ! poursuivit-il en montrant le reste de la famille qui venait les rejoindre. Comment n’aimerait-on pas la Révolution quand on la voit sous cet aspect !
    — Là, mon ami, je m’accorde entièrement avec vous. »
    Fernand, superbe en habit bleu à deux épaulettes d’or, culotte et gilet rouges, tenait par la taille sa mère et sa jolie sœur. Bernard, sans canne, tirant à peine la jambe, donnait le bras à Lise qu’il avait tant aimée, et à Thérèse qu’il aurait pu aimer.
    « Bon, dit Claude souriant, en somme nous avons fait la Révolution pour compter dans notre famille un général en chef et un futur amiral ! »

TROISIÈME PARTIE

I
    Claude avait refusé de nouveau un poste dans la banque de son beau-frère – installée place Vendôme, au coin de la rue des Capucines. Il entendait toujours réintégrer le barreau. Le 19 Frimaire, 10 décembre, comme il disposait de quelque loisir après avoir donné la copie à l’imprimeur, il se rendit au Palais de justice, où il n’était pas retourné depuis le procès de Fouquier-Tinville, huit mois plus tôt.
    Il croyait trouver le prétoire rétabli dans son ci-devant état. Avec surprise, il s’aperçut que non seulement les

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