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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Monbello, et en fiançant Pauline au général Leclerc. Honni à présent par la « jeunesse dorée », délaissé de tous, Fréron, sa fortune dilapidée, quémandait vainement un emploi.
    Depuis neuf jours, Bonaparte était à Paris, accueilli en triomphe sur sa route et dans la capitale après son étonnante campagne d’Italie, couronnée par le traité de Campo-Formio. Il terminait la guerre déclarée en 92 au roi de Bohême et de Hongrie, en obligeant enfin la monarchie impériale à déposer les armes et, comme l’avait fait la Prusse, à reconnaître la frontière du Rhin. Mais cette paix, qui soulevait dans la nation un prodigieux enthousiasme, Bonaparte l’imposait autant au Directoire qu’à l’Autriche. « Ce n’est pas une paix, ce traité, proclamait Sieyès aux Cinq-Cents, c’est l’appel à une nouvelle guerre ! » En effet, les stipulations de Napoléon se révélaient à la fois léonines et incomplètes ; de plus, elles ruinaient l’espérance d’une alliance, si désirée, avec la Prusse. Le public ne voulait pas le savoir, pas songer à l’avenir ; on ne voulait voir que l’immédiat : l’Angleterre isolée, la fin des privations, des sacrifices, la paix revenue, ramenant bientôt l’abondance. Bonaparte jouissait d’une popularité comme on n’en avait jamais connu. Le peuple l’acclamait sur les places, la bourgeoisie dans les théâtres. Le gouvernement lui donnait donc des fêtes magnifiques, débaptisait la rue Chantereine, où le général habitait, pour la nommer rue de la Victoire ; mais sous les couronnes, les fleurs, sous les compliments échangés, se dissimulaient mal l’irritation, une défiance réciproque.
    Bernard, rentré d’Allemagne où rien ne le retenait plus, ne cachait pas son indignation. « Nous avons eu bien tort, disait-il, de protéger ce Corse quand Aubry le persécutait. Je le devinais intrigant ; comment lui aurait-on supposé une ambition si dévorante ! Il ne se soucie ni de la république ni de la France. Seules sa fortune à lui, sa gloire et sa puissance comptent à ses yeux. Il s’est empressé de conclure à Léoben pour nous arrêter, Moreau, Masséna et moi, alors que nous convergions irrésistiblement sur Vienne où la France eût imposé une paix autrement décisive. Celle de Campo-Formio est une simple trêve, profitable uniquement à l’Autriche qui trouve là le temps de reprendre souffle. Mais il fallait que Bonaparte, au regard de la nation ignorante, fût le seul vainqueur, le pacificateur. Il a du génie, certes ; seulement c’est celui de César. Je vois César percer sous Napolioné.
    — Ma foi, répliqua Naurissane, ce génie justifie son ambition. S’il veut être le maître de la France, il le sera. Et tant mieux ! S’il nous débarrasse du Directoire pourri, incapable de rétablir l’ordre dans le pays, les finances, la prospérité, qui s’en plaindra ? »
    On professait ouvertement cette opinion dans le salon de Louis et de Thérèse. Chez Claude, se tenait un cercle plus restreint où ne dédaignaient pas de fréquenter Sieyès, La Rével-lière. Ceux-ci et Jourdan – élu aux Cinq-Cents à la place de Louvet – partageaient les sentiments de Bernard, encore que Marie-Joseph Chénier, Rœderer, Garat l’ancien ministre de l’Intérieur en 93, Daunou, Réal se déclarassent certains du républicanisme de Bonaparte.
    Ces espoirs et ces craintes s’évanouirent au printemps de 1798. Déjà en ventôse on n’ignorait pas, rue des Victoires-Nationales, qu’au lieu de la descente en Angleterre, voulue par le Directoire et dont Bonaparte était chargé, Talleyrand préconisait une expédition en Égypte pour couper aux Anglais la route des Indes. Soudain, La Révellière, Rewbell, hostiles à cette idée, s’y rendirent, Bonaparte commença aussitôt d’immenses préparatifs. Comme Bernard, chez Claude, exposait à La Révellière le danger d’envoyer si loin les meilleures troupes de la république, alors que manifestement l’Autriche, avec le concours de l’Angleterre et de la Russie, se disposait à recommencer la guerre : « Mon cher général, répondit le bossu, le plus grand péril pour la république, c’est la dictature militaire. Nous l’écartons en laissant aller Bonaparte en Égypte, puisqu’il y tient tant. Et puisse-t-il y rester !
    — Mais n’escompte-t-il pas, en s’éloignant ainsi, emmenant toute une armée, que la France affaiblie subira des revers, qu’il

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