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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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depuis que Tallien ne comptait plus, et de Talleyrand pour qui elle avait obtenu, deux mois plus tôt, le portefeuille des Relations extérieures. « On appela Rewbell, La Révellière, on descendit au jardin, et là, sous les ombrages, fut décidé le coup d’État immédiat… Sais-tu, ajouta Fouché, que Thibaudeau a bien failli également y passer ? Il figurait sur les listes de déportation. Des amis l’ont rayé à temps.
    — Et Carnot, qu’en advient-il ?
    — Bah ! c’est un imbécile, non point un conspirateur. On l’a laissé fuir et on ne le recherche pas. »
    Plusieurs des proscrits, particulièrement Boissy d’Anglas, Saladin, Vaublanc, Mathieu Dumas, s’échappèrent comme lui. Les autres, conduits à Rochefort dans des cages chargées sur des fourgons d’artillerie, puis enchaînés dans l’entrepont de la frégate la Vaillante, arrivèrent à Cayenne le 22 Brumaire an VI, 12 novembre 1797. L’abbé Brottier, La Villeurnoy, Rovère, Bourdon de l’Oise, Gibert-Desmolières, Tronson-Ducoudray y moururent. Pichegru, Barthélémy, avec quelques compagnons résolus, se sauvèrent dans une pirogue. Aubry périt au cours de cette évasion.
    Le 14 novembre, Claude eut la surprise de rencontrer sur la place du Palais-Royal Compère lunettes, vieilli mais très identifiable avec son énorme menton et ses verres pareils à des loupes. « Te voilà donc à Paris ! De passage, ou bien ?…
    — Je suis installé ici depuis cinq mois, sans avoir rompu avec le Limousin, répondit Guillaume Dulimbert. Il n’y a pas assez de ressources à Limoges, et cependant la ville est attachante. Je compte y aller ces jours-ci. Mon frère, Jacques, demeure là-bas dans la maison de la rue des Combes.
    — Et que penses-tu des événements ? »
    L’ancien moine haussa les épaules. « Je ne m’en occupe pas. À quoi bon ? J’ai connu trop de vicissitudes et sais maintenant le peu de pouvoir des hommes, l’inanité des agitations. La tranquillité, je ne désire plus rien d’autre.
    — Que fais-tu, alors ?
    — Des travaux de librairie. Je traduis présentement un mémoire du général Llyod sur la défense de l’Angleterre en cas d’invasion.
    — Tu as donc encore une pensée politique.
    — Non point. L’idée d’envahir l’Angleterre est à la mode. L’ouvrage se vendra bien, voilà tout. »
    Claude lui donna son adresse, l’invitant à souper pour le lendemain. « Et toutes les fois qu’il te plaira. Nous aurons toujours plaisir à ta compagnie. »
    Il accepta et revint de temps à autre rue des Victoires, chez Claude ou chez les Naurissane reconnaissants envers lui de son occulte protection pendant la Terreur. Parfois disert, révélant une érudition sans bornes, parfois silencieux, les yeux mystérieux derrière ses épaisses lunettes, mais toujours étonnamment accordé avec les enfants, il restait à tous égards tel que l’avaient qualifié les Jacobins de Limoges : « l’homme indéfinissable ».
    Le 31 décembre, Legendre, sorti des Anciens en l’an V – et qui menait en compagnie de M lle  Contat l’existence la plus paisible –, disparut à son tour, emporté à quarante-cinq ans par l’apoplexie. En l’accompagnant au cimetière, Claude, parmi tous les souvenirs qu’il gardait du gros boucher, se remémorait particulièrement, sans savoir pourquoi, cette claire nuit de mai où il était venu les trouver, Danton, Desmoulins, Dubon et lui, au sortir des Jacobins, pour leur dénoncer la fuite imminente de la famille royale.
    Tallien, Fréron marchaient également derrière le corbillard. Eux deux, Santerre voyageant à travers l’Europe, Brune commandant une division en Italie, le gros Robert installé en Belgique avec sa pétulante petite femme, restaient avec Claude les seuls survivants de la nombreuse et joyeuse bande que Danton se plaisait autrefois à réunir Cour du Commerce. Tallien, maigri, amer, tombé de sa position un moment si brillante, torturé par la jalousie, car il n’ignorait plus l’infidélité de Thérésa dont il ne parvenait cependant point à se détacher, vivait en enfer. Fréron, envoyé en mission dans le Midi après son échec aux Cinq-Cents, avait oublié Lucile Desmoulins en s’éprenant, à Marseille, de l’éblouissante Pauline, seconde sœur de Napoléon. Très amoureuse, elle adressait à son Stanislas des lettres enflammées. Bonaparte avait mis le holà en appelant sa mère et ses sœurs auprès de lui à

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