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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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juste, alors, en prédisant à l’amoureux de Lise qu’il serait maréchal, un jour. Bernard avait effectivement reçu le bâton, en même temps que Jourdan, que Brune. Mais pour s’être permis d’écrire, dans le texte d’un armistice avec le roi de Suède, ces mots impardonnables : l’armée française, et non : l’armée de Sa Majesté Empereur et Roi, il se trouvait depuis 1807 privé de commandement, au grand bonheur de Claudine qui espérait bien désormais garder son mari auprès d’elle. Ils avaient eux aussi deux enfants : une fille aînée, un garçon plus jeune. Bien entendu, M. Delmay et Marcellin, toujours monarchistes quel que fût le monarque, étaient depuis longtemps réconciliés avec Bernard. M. Delmay s’enorgueillissait sans mesure d’avoir donné à la France un maréchal. Parlant de lui, il ne manquait pas de dire, comme le voulait l’étiquette : « Son Excellence, Monseigneur le Maréchal, mon fils ». Celui-ci prenait on ne peut mieux sa disgrâce ; il se serait très bien passé de refaire jamais la guerre, qu’il détestait comme en 92. On s’y résignait pour défendre les frontières, voire pour donner à la République ses limites naturelles. Maintenant, pour avoir voulu s’étendre bien au-delà, on devait conquérir le monde afin d’assurer cet empire !
    En 1809, lorsque Napoléon, contraint de courir encore une fois vers le Danube afin d’y briser la cinquième coalition, dut abandonner à son frère aîné – souverain absurdement imposé à l’Espagne – le commandement de ses armées dans la Péninsule, Bernard apprit que l’on songeait à lui pour diriger ces armées, sous le titre de chef d’état-major du roi Joseph. Sans balancer, il écrivit au ministre de la Guerre qu’il ne fallait pas compter sur lui : en aucune manière, il ne combattrait les Espagnols luttant pour leur indépendance comme les Français avaient lutté pour la leur ; il s’en expliquerait avec l’Empereur lui-même, si Sa Majesté le souhaitait. Il ne reçut aucune réponse. On ne pouvait rayer des cadres un maréchal, ni le traîner devant une Haute Cour sous le chef d’insubordination. On s’en tint à l’ignorer. Jourdan fut envoyé à sa place.
    « Je crains, dit Claude en apprenant ces nouvelles, que ton refus ne soit pas heureux, mon cher Bernard. Oui, la guerre d’Espagne est en soi odieuse, et de plus une lourde faute, car elle ouvre aux Anglais un second champ de bataille sur le continent. Mais, la faute commise, c’en serait une encore plus grave à l’égard de la France que de ne pas gagner cette guerre. Je n’en crois pas Jourdan capable. Il ne saura ni concevoir de vastes mouvements ni imposer ses vues et son autorité aux autres maréchaux placés sous ses ordres. À l’inconsistant Joseph, on adjoint un soldat très brave, résolu dans l’action, mais dénué de ténacité, hésitant à se conduire, et que déjà le Comité de Salut public était contraint d’éperonner. J’augure mal de tout cela. »
    Pourtant, la coalition austro-anglaise défaite à Wagram, la paix imposée une fois encore au cabinet de Vienne, tout assurait, apparemment la fortune de l’Empereur. Joséphine ne lui donnant pas d’enfant, il avait divorcé et, peu après, épousé une princesse autrichienne. Sa puissance confondait l’imagination : il régnait sur des millions de sujets, son empire comptait cent trente départements, ses forces militaires un million d’hommes. Mais les Anglais remportaient des succès en Espagne, le blocus des marchandises britanniques ruinait l’Europe, l’arrestation du pape – interné parce qu’il refusait d’appliquer ce blocus dans ses États – révoltait les catholiques ; partout le sentiment national se réveillait contre la domination française. En France même, on était las des guerres toujours renaissantes, des impôts toujours croissants, du despotisme impérial. Favorisée par la coterie de Talleyrand démissionné des Relations extérieures, l’opposition, de platonique devenait sourdement active.
    Fouché, dans l’intimité, ne dissimulait pas ses préoccupations. Après avoir facilité à Napoléon le divorce en y préparant l’opinion, il s’était déclaré adversaire du mariage autrichien. En quoi Claude l’approuvait. Une petite-nièce de Marie-Antoinette ne pouvait, sur le trône, que réveiller un dangereux antagonisme entre les anciens révolutionnaires et les anciens émigrés peuplant désormais

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