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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Romainville, et de vagues choses sauter en l’air. Le crépitement de la fusillade semblait s’éloigner. Bientôt arriva l’ordre général de se porter en avant.
    Mais les volontaires n’allèrent pas loin. Des blessés refluaient ; les uns en soutenaient de plus atteints. Les gardes nationaux reçurent mission de les conduire, ainsi qu’une dizaine de prisonniers, à la barrière de Belleville où attendait une collection de fiacres réquisitionnés. En rejoignant les positions, on trouva d’autres blessés plus mal en point qui n’avaient pu se retirer d’eux-mêmes. Il fallut les évacuer à leur tour. Finalement, Claude et ses compagnons ne cessèrent de faire la navette jusqu’après huit heures du matin. À ce moment, les troupes de Marmont réoccupaient Pantin, Romainville, et leur front s’étendait devant ces villages, sur les contreforts des plateaux. L’ennemi, laissant sur le terrain un millier de morts, s’était replié vers Bobigny avec ses blessés.
    La 3 e  compagnie du 124 e avait formé ses faisceaux, à droite de Romainville, dans un verger aux cerisiers en fleur. Des sapeurs crénelaient rapidement les murs pendant que, sur des foyers improvisés, la soupe bouillait dans les marmites. Les volontaires en eurent leur part. Après quoi Claude, avisant un tas de feuilles mortes, rassemblées sans doute pour préparer du terreau, jeta là-dessus sa couverture et se coucha moelleusement. Il avait fait plus de deux lieues en allées et venues qui s’ajoutaient à tant d’autres épreuves physiques inhabituelles. Vers dix heures, la générale battit. Sortant d’un profond sommeil, il demeura d’abord égaré, puis il vit chacun courir aux armes. Il se leva, engourdi ; mais, tandis qu’il roulait sa couverture et la fixait en bandoulière, la fatigue coula de ses membres. Il courut lui aussi prendre son fusil et se poster à un créneau.
    En dessous, s’étageaient deux autres lignes également embusquées derrière des murs, des murettes, des talus. Et à environ quatre cents toises en avant, de sombres colonnes à l’uniforme presque noir gravissaient vivement les pentes. « C’est la garde royale prussienne, dit un vieux sergent. Je les ai connus à Iéna, ces lascars. Pour en venir à bout, il faut les tuer deux fois. » Tambours battants, cornets sonnants, baïonnettes scintillant au soleil, ils montaient au pas de charge en échelons déployés, comme s’ils ne doutaient point d’emporter par leur seul élan ces hauteurs.
    La première ligne française lâcha son feu de salve, puis la seconde, puis la troisième. Chacune rechargeait pendant qu’une autre tirait. Claude mordait la cartouche, bourrait, amorçait, épaulait juste au moment où les officiers criaient « Feu ! » Pendant dix minutes ce fut une explosion continue. La fumée masquait tout, mais de la première ligne s’élevaient des clameurs victorieuses. Les tambours commandèrent de suspendre le tir. Quand le soleil reparut, on vit la garde prussienne qui se repliait, abandonnant sur les pentes des javelles de morts. Elle n’était cependant pas défaite. Elle reculait en ordre, et, pour interdire une contre-attaque, détachait de multiples tirailleurs dont les balles – peu dangereuses tant que l’on restait à couvert – se mirent à bourdonner aux oreilles. Elles cassaient des branches, arrachaient des éclats à la pierre. On répondait coup par coup. Pendant ce temps, le gros se reformait, hors de portée. Brusquement un orage de boulets, d’obus, de mitraille s’abattit sur lui. Des batteries à cheval, envoyées par la route de Metz, avaient pris rapidement position sur le chemin de Noisy-le-Sec. Elles tiraient de but en blanc, fauchant des files entières. Les dragons de l’impératrice accompagnaient cette artillerie. Lorsqu’elle eut mis le désordre parmi les colonnes prussiennes, ils les chargèrent et les rejetèrent en déroute dans l’est.
    À midi, tout l’espace entre le canal de l’Ourcq et Romainville paraissait dégagé ; du moins tout ce que l’on pouvait en apercevoir. Les dragons, les batteries à cheval étaient repartis vers d’autres points plus menacés, sans doute. Les coalisés avaient l’air de développer leur offensive, car le canon grondait à la fois au nord, en direction de Montmartre, et au sud-est, du côté de Vincennes ou de Charenton. À une heure, les grosses pièces de la Butte-Chaumont tonnèrent de nouveau. Cela donnait à croire, comme

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