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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Fouché n’était pas douteux, mais pas davantage son besoin du pouvoir, sa manie intrigante. « M’aideras-tu à saper Bonaparte ? demanda-t-il.
    — Comment cela ?
    — Je t’obtiendrai sans peine un siège à la Chambre des pairs, tu y mèneras notre politique.
    — Non, répondit Claude, mon ami, n’y compte point. Je n’ai pas condamné à mort Louis XVI pour aller maintenant chercher son frère, dont les sottises nous ont ramené Napoléon. Je suis écœuré par la politique, je ne veux même plus en entendre parler. Danton avait bien raison, c’est chose trop absurde. »
    Il passa néanmoins à la mairie pour consigner son suffrage. Comme le disait Gay-Vernon, on ne pouvait négliger une source de progrès. Et puis, sait-on jamais ! si la mathématique militaire de Bernard se révélait inexacte, si Bonaparte réussissait quelque part un nouveau Marengo, s’il durait, il fallait qu’il connût bien la volonté formelle de la nation. Et dans le cas où Louis XVIII reviendrait, il devrait lui aussi la connaître, cette volonté de ne pas se laisser remettre les chaînes. Claude écrivit donc : « Comptant sur les institutions que l’on nous propose, pour amener, avec le temps, l’abrogation des anciennes constitutions impériales, la disparition du cens, le remplacement de la Chambre des pairs par une chambre haute élective, j’accepte l’Acte additionnel comme le point de départ d’un véritable libéralisme. » En haut de la page précédente, figurait un vote signé Tallien : « Espérant du temps, de l’expérience et du patriotisme des deux Chambres les améliorations désirables, je dis oui. » Séparé de sa femme, qui s’était remariée avec le comte de Caraman, nommé sous l’Empire consul à Alicante, Tallien y avait contracté la fièvre jaune et perdu un œil. Borgne, solitaire, vivant misérablement, il ne lui restait, à lui non plus, rien de sa passion politique, comme le montrait son vote sans enthousiasme. Presque tous, d’ailleurs, manifestaient les mêmes réserves, trahissaient le même désenchantement.
    Bernard n’entendait ni approuver ni improuver la constitution. Tout ce qui advenait, il le tenait pour inexistant. Ni lui ni Macdonald ne s’étaient présentés aux Tuileries. Davout lui ayant écrit pour lui proposer un commandement, il répondit en substance : « Louis XVIII n’a point abdiqué, n’a pas été déchu du trône, il se trouve momentanément hors du territoire mais n’en demeure pas moins roi de France. J’ai prêté serment au roi, il ne m’a pas délié de mon serment. Conclus toi-même, mon vieux camarade. » Là-dessus, il partit avec Claudine et leur fille pour La Châtenaie, dans la vallée de Montmorency. L’été précédent, il avait acquis cette propriété – en partie grâce à un prêt proposé par Claude – afin d’asseoir le titre et la pairie qu’il transmettrait à son fils en mourant. Claude et Lise allèrent passer quelques jours auprès d’eux. Dans le parc, divisé en îles par un ruisseau dont les branches multiples se réunissaient ensuite pour former un vaste étang, Bernard quinquagénaire, dépouillant le maréchal, retrouvait ses plaisirs de jeune pêcheur. Cependant il demeurait sombre. « Quel prix de sang, de larmes, quelles humiliations, Bonaparte va-t-il coûter encore à notre pays ! » disait-il.
    Claude retourna plusieurs fois à Paris pour s’occuper des affaires de son cabinet, mais il ne réintégra, avec Lise, leur hôtel que le 31 mai. Le lendemain, aurait lieu la cérémonie fixée d’abord au 26. Le gouvernement avait dû la repousser au 1 er  juin parce que nul ne mettait le moindre empressement à voter la constitution ni à élire la Chambre des représentants. En quoi consisterait au juste cette cérémonie annoncée comme un Champ de Mai, à la mode carolingienne ? Évidemment, les résultats du plébiscite y seraient proclamés ; pour le reste, les bruits les plus contradictoires couraient la ville et les salons. « Tous également absurdes, déclara Thérèse. L’empereur, prétend-on, va résigner le pouvoir civil et garder le commandement des armées. Selon d’autres, au contraire il réclamera la dictature jusqu’à la paix. Certains croient encore voir apparaître au Champ de Mai Marie-Louise et le roi de Rome. Enfin, beaucoup s’imaginent que Napoléon a l’intention d’abdiquer solennellement en faveur de son fils ; ainsi l’Autriche serait obligée

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