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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Fernand situait le convoi plus près de terre, donc moins dans l’ouest ; aussi gouverna-t-il au 34o. Selon lui – et Bergeret partageait cet avis –, l’expédition anglaise était destinée soit pour la Basse Bretagne, soit pour le Morbihan. Se dirigeant vers la Vendée, elle eût tracé sa route en pleine mer, à l’abri des rencontres, à l’écart des vents capricieux, et ne serait venue qu’au dernier moment sur les petites longitudes. Il fallait huit heures pour la retrouver ; d’ici là, elle aurait ou bien atterri déjà, ou bien gagné largement vers le littoral.
    En effet, deux des frégates – la troisième avait disparu – et les cinq vaisseaux furent découverts, à quatre heures du matin, le 3 Messidor, à quelques secondes de Groix en longitude et en latitude. Deux heures après, Fernand, qui avait pris soin, toute la nuit, de ne pas trop devancer l’escadre, rejoignait la Montagne à laquelle il communiquait le relèvement. Il revirait aussitôt, réglant son allure pour rester à portée de lunette, et, une heure plus tard, il signalait : « Ennemi en vue. » Le jeune commandant jubilait. « Eh bien, mon ami, dit-il à Bergeret, qui était de quart, ne voilà-t-il pas du bon travail ! »
    Ce convoi, d’abord soupçonné, puis décelé, toujours repéré, malgré les traverses et les retards ils avaient enfin amené l’escadre à son contact. Pris entre elle et la terre, il ne pouvait ni se dérober ni se défendre victorieusement. Deux frégates, trois 4o et deux 36 contre quatorze vaisseaux, dont deux 80 et la Montagne avec ses 120 canons, c’était du nanan. Même les pires maladresses des patauds ne risquaient pas de compromettre un succès absolument certain.
    Pour dégager la ligne sur laquelle l’escadre allait se former, la République laissa porter sud-ouest, puis elle attendit en tirant des bords, sous ses menues voiles. Les deux-ponts commençaient de manœuvrer. Ils y mirent le temps, bien entendu. Mais enfin, au bout d’une heure et demie, environ, ils se présentaient assez correctement en ordre endenté : formation judicieusement choisie par l’amiral, car tout ennemi qui réussirait à s’engager entre les navires du premier rang, tomberait sur ceux du second, placés un peu en arrière, dans les intervalles. C’était aussi la plus facile à tenir.
    Intrépides, les Anglais faisaient front. Conduits par la frégate portant la flamme de Commodore, ils s’avançaient, bien résolus, semblait-il, à percer l’adversaire malgré son nombre. En vérité, ils allaient au massacre. Dans un instant, trente-six pièces de chasse ouvriraient le feu sur eux, en attendant que quarante-trois batteries leur envoyassent, à la première décharge, huit mille trois cent trente-quatre livres de fonte.
    Tout à coup, Fernand crut rêver. Quoi !!! Mais ce n’était pas possible !… Et pourtant si, la Montagne abattait, imitée par tous les autres vaisseaux. « C’est inimaginable ! Que se passe-t-il ? »
    Il se passait simplement ceci : Topsent, déjà mal convaincu d’avoir devant lui une expédition, s’était laissé blouser par la manœuvre intelligente et hardie du commodore Warren fonçant sur les proues françaises. Topsent ne pouvait croire que sept navires osassent en braver quatorze, supérieurement armés. Assurément, ces sept-là avaient derrière eux une seconde ligne très forte, dont ils composaient l’avant-garde. Ces mâtures, là-bas derrière, n’appartenaient nullement à des transports. Comme il le pensait bien depuis le début, il s’agissait non point d’un convoi escorté, mais d’une escadre. Or ses instructions lui prescrivaient de débloquer Belle-Île et de ramener à Brest la division Duplessis, non pas de livrer bataille sans motif. Il interdit à Villaret de s’engager plus avant et lui intima l’ordre de gagner dans l’ouest. L’amiral s’efforça de le raisonner.
    « Une escadre n’aurait rien à faire si près du littoral, dit-il. Ces vaisseaux paient d’audace pour nous intimider. Ils protègent un convoi arrivant sur ses atterrages, c’est clair comme le jour. Les Anglais vont débarquer par ici, peut-être à Lorient, donner la main aux chouans, aux vendéens, remettre à feu et à sang cette partie de la République. Nous pouvons aisément empêcher cela. Au lieu de quoi, nous allons nous retirer parce que sept moucherons montrent plus de courage que…» Il se retint à temps. Il allait dire : « que

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