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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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vous. » Topsent ne manquait pas de courage mais de bien autre chose. « Songez-y, citoyen, acheva Villaret-Joyeuse, vous prenez là une terrible responsabilité.
    — Bah ! bah ! votre tête travaille, monsieur ! Vous vous croyez toujours en 93 », répliqua le Thermidorien.
    Villaret dut obéir. Il obtint toutefois un sursis à l’ordre de se retirer. Topsent l’autorisa, pour le moment, à garder l’ennemi en vue. On louvoya donc sur deux files, sans trop de peine car on portait peu de toile et la brise était jolie. De son côté, Warren, bien aise de constater que les Français refusaient le combat, avait viré. Il restait au vent, dans une attitude menaçante. Il ne pouvait rien faire d’autre ; les navires du convoi, faiblement armés, ne lui offraient aucune ressource. Mais, le matin, en apercevant l’adversaire, il avait aussitôt détaché les cutters, petits bâtiments légers et rapides, pour les envoyer chercher lord Bridport.
    Fernand n’y comprenait rien. Il fouillait de sa lunette l’étendue glauque, plate, sur laquelle la lumière poudroyait un peu dans le lointain. Du haut de la Montagne, aurait-on décelé là-bas quelque renfort anglais ?… « Veille aux signaux ! lança le timonier de quart. L’amiral hisse. » Le numéro de la frégate montait en effet à la corne, suivi de l’ordre : « Venez à bord. » Fernand s’y rendit sans perdre une minute. Villaret le reçut sur la dunette où ses officiers promenaient des figures les unes moroses, les autres franchement furieuses, lui expliqua les choses et lui dit : « Va donc vivement examiner la seconde ligne anglaise et rapporte-nous les renseignements les plus précis, de façon à convaincre cet entêté.
    — Oui, amiral, répondit Fernand, refrénant sa colère. Pourvu que ce ne soit pas trop tard ! »
    Il lui faudrait deux heures pour remonter à contre-vent vers l’anse du Pouldu, afin de passer derrière le convoi, et plus d’une heure pour revenir. Il pensa bien à se glisser entre les deux lignes, mais c’était trop risqué. Les transports possédaient eux aussi des canons ; ils avaient sûrement fait branle-bas. Le moindre coup heureux compromettrait sa mission. Rageant, il couvrit de toile la République. Cacatois, voiles d’étai, faux foc, petit foc, bonnettes, tout fut sorti. On envergua même la désuète civadière dont on ne se servait presque plus. Sur le pont et dans la mâture, tribordais et babordais, ensemble à la besogne, se démenaient comme une légion de damnés. Penchée tantôt sur une hanche tantôt sur l’autre, selon les amures, deux moustaches écumeuses se levant de son taille-mer sous la figure de proue et brisant jusque sur les bossoirs, la frégate semblait voler au ras des flots qu’elle effleurait de ses boute-hors de bonnettes basses. La courageuse, l’admirable ! En cent cinq minutes et seulement six changements d’amures tant elle serrait le vent de près, elle parvint à la hauteur du convoi. Elle décrivit un large quart de cercle pour le contourner par l’aile droite, puis le rangea sur l’arrière presque à portée de canon. Fernand avait prié le second d’observer avec lui. Ils dénombrèrent quatre vaisseaux de 3o à 36, dix transports, deux lougres c’est-à-dire tout le nécessaire pour un débarquement, et rien qui pût participer à un combat entre navires de ligne.
    Débordant le convoi après avoir viré lof pour lof, Fernand commandait à Eyssandier de venir grand largue, quand un avertissement cascada d’étage en étage dans la mâture. « Ho, du gaillard ! Nombreux navires sous l’horizon par tribord devant. »
    Nombreux navires, diantre ! « Tiens bon largue », dit Fernand pour suspendre l’exécution de son ordre, et, se doutant de ce qui advenait, il alla se rendre compte par lui-même. De la hune ni des perroquets, on n’apercevait rien au large ; mais les mousses et des pilotins, très excités, s’interpellaient du grand au petit cacatois et à celui de perruche. Juchés tout au bout des trois mâts, dans ces hauteurs qui étaient leur domaine, ils voyaient au loin sur la mer à peine ridée. La frégate, bien assurée dans sa gîte, ne roulait ni ne tanguait. Aussi Fernand, parvenu aux barres de cacatois, saisit immédiatement dans sa lunette ce que lui désignait un mousse assis au-dessus de lui, à califourchon sur le chouquet : « Là, commandant, juste un quart tribord. Je l’ai signalé le premier,

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