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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Français. Cette abstention et les imprudences de Puisaye aboutissaient à un désastre. Les régiments, les chouans amalgamés laissaient plus de la moitié de leurs effectifs sur le sable sanglant. Royal-Marine avait perdu cinquante-trois de ses soixante-douze officiers, et guère moins les trois autres. Tous les canons restaient aux mains de l’adversaire.
    Hoche pouvait écrire, le lendemain : « Les Anglo-émigrés-chouans sont, ainsi que des rats, enfermés dans Quiberon d’où ils ne sortiront plus. » L’armée réparait la bourde commise par Topsent en ne permettant point à Villaret-Joyeuse d’anéantir l’expédition. Ce résultat, néanmoins, ne satisfaisait pas entièrement Hoche, ni Tallien envoyé sur place par le Comité de Salut public. On l’avait choisi pour montrer que les coquetteries entre royalistes et Thermidoriens étaient bien terminées. Il affichait une résolution toute républicaine, déclarant, dès son arrivée à Vannes, dans le meilleur style 93 : « Les émigrés vomis sur nous par l’Anglais ont osé remettre le pied sur la terre natale ; que la terre natale les dévore ! »
    Cependant Hoche et lui ne possédaient nul moyen de forcer Puisaye, à l’abri dans la presqu’île défendue par le fort et par la flotte britannique. Il demeurait libre de se retirer sur celle-ci, de chercher une meilleure fortune en Vendée. C’est ce dont le pressaient tous les gentilshommes survivants. En vérité, s’aller mettre dans la dépendance de l’orgueilleux Charette ne lui convenait guère, ni de subordonner son ambition aux siennes, ni enfin de servir une royauté absolue à laquelle, ancien feuillant comme La Fayette, comme Duport, les Lameth, il ne croyait pas plus que Pitt et Thugut. Depuis 1792, il misait sur les Anglais pour établir en France une monarchie constitutionnelle. Avec sa puissance d’obstination, déclinant tous les conseils il attendit les trois régiments promis et Monsieur.
    Contades et Sombreuil – fort amis pour s’être connus précédemment à Ostende – devisaient avec tristesse de l’état de choses. Le jeune comte le découvrait bien différent de ce qu’il s’imaginait. Sa division cantonnait au sud de la presqu’île surpeuplée où régnaient partout le désordre, le mécontentement, la défiance. Il n’estimait pas possible de demeurer dans une telle situation jusqu’à ce que le gouvernement anglais eût envoyé des troupes assez nombreuses pour forcer le passage vers la grande terre, ar en douar bras comme on disait à Quiberon. « Nous tiendrions, répondait Contades, si l’on pouvait compter sur des soldats d’une fidélité à toute épreuve. Ce n’est malheureusement pas le cas. » La désertion sévissait parmi les prisonniers enrôlés en Angleterre. Elle avait commencé sitôt après le débarquement, mais restait alors très restreinte, car les paysans ramenaient les fuyards et d’Hervilly les faisait impitoyablement fusiller. Actuellement encore, de son lit à l’hôpital, dont la mort s’approchait un peu plus chaque jour, le petit colonel maintenait de la façon la plus ferme la discipline dans son régiment. En revanche, Royal-Louis perdait de trente à quarante hommes par nuit, selon Contades. « Les officiers n’en veulent pas convenir, mais je n’en ignore rien, ajouta-t-il. Pour moi, si nous ne rembarquons au plus vite, tout est perdu ; à moins que nous n’arrivions à une entente avec les bleus. » C’était son idée. Plusieurs fois déjà, il avait ouvert l’avis d’entrer en pourparlers avec les généraux républicains. Puisaye ne disait ni oui ni non.
    Ce jour même, après le dîner, bien résolu à chercher l’occasion d’une conférence, le major-général montait à cheval, accompagné par deux officiers de hussards. Ils s’avancèrent tous les trois sur la Falaise. Quand les avant-postes républicains aperçurent ce petit groupe, ils prirent les armes. Quelques dragons sortirent des retranchements, la carabine au poing, conduits par un capitaine. Contades, agitant son mouchoir à la pointe de son sabre, poussa, seul, vers cet officier en lui criant de ne rien craindre. Ils se joignirent, et le royaliste eut la surprise d’entendre le patriote l’appeler par son nom. C’était non seulement un de ses compatriotes de Doué-la-Fontaine, en Maine-et-Loire, mais encore un de ses anciens voisins, un certain Breton.
    « Que faites-vous ici ? lui demanda cet homme dont il connaissait

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