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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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Sabine s’était amourachée de Needler, cela n’avait assurément rien que de très commun. Les deux filles étaient de petites demoiselles mignotées, bien élevées, rompuesaux bonnes manières, et aussi satisfaites de leur lot que des vaches au champ.
    Quant à sir Edwin, consumé par la rage et le chagrin, il était malaisé de se l’imaginer dans son état normal. D’après ce que j’avais entendu, il avait tout du riche marchand, soucieux en premier lieu de consolider son statut social et celui des siens. Needler, le majordome, était un insolent faquin qui cherchait surtout à se faire bien voir par la famille. Tout était normal en somme. En fait, les seuls chez les Wentworth dont le comportement pouvait surprendre, c’étaient Elizabeth, que je croyais innocente, et Ralph lui-même.
    Nous arrivâmes à Smithfield. Je promenai mon regard sur le vaste espace, le prieuré de St Bartholomew et l’hôpital, toujours vide et sous bonne garde. À côté du marché, je vis des hommes vêtus de la livrée de la Cité en train de placer des sièges pliants en gradins. D’autres enfonçaient à coups de marteau dans un grand mât des pitons auxquels étaient fixées des chaînes. Je me souvins de ce que Vervey m’avait dit que la semaine prochaine devaient être brûlés deux anabaptistes, ces gens qui refusaient de reconnaître les sacrements et voulaient que tous les biens fussent mis en commun. Je priai le ciel qu’ils se rétractent, pour que le supplice leur soit épargné, et fis tourner mon cheval en direction du prieuré et de Long Lane afin d’aller au plus court.
    Je remarquai une petite suite de gens portant la livrée rouge et or des Howard, qui tenaient tranquillement les rênes de leurs chevaux à côté de la loge d’entrée. Puis, à la porte, vêtu de sa robe dont l’écarlate tranchait sur les pierres grises, j’avisai le duc de Norfolk en personne. Il parlait à un autre homme debout dans l’embrasure, les bras croisés dans une attitude de propriétaire. J’eus la surprise de reconnaître sir Richard Rich.
    Ils m’avaient déjà repéré et me regardaient fixement. Le duc leva un bras. « Tiens, messire l’avocat ! Approchez ! »
    Quelle guigne ! Allaient-ils encore s’en prendre à moi ? Je tournai la tête de Genesis vers le groupe, priant le ciel que le cheval continue à bien se comporter. Je remarquai que le portier avait changé. Qu’était-il arrivé au gros coquin que Barak avait chassé de la bibliothèque à coups de pied ? Lorsque je m’arrêtai, Rich me jeta un regard froid et hostile, alors que, pour une fois, Norfolk avait l’air assez affable. Rich devait être en train d’accueillir Norfolk au prieuré lorsque j’étais arrivé, et sans doute étaient-ils fâchés d’avoir été vus ensemble. Ces derniers temps, l’atmosphère était si fébrile que, quand deux membres du Conseilprivé se rencontraient ailleurs qu’à Whitehall, des rumeurs de complot naissaient aussitôt. Et, de fait, il était fort curieux de voir se rencontrer ici le protégé de Cromwell et son pire ennemi. Je mis pied à terre et les saluai.
    « Messire Shardlake, dit Norfolk, dont le visage se plissa en un mince sourire. Lord Rich, voici un habile homme de loi que j’ai rencontré au banquet de lady Honor l’autre soir. Rien à voir avec votre clique des Augmentations, assurément.
    — Non, c’est l’un des bons apôtres de Lincoln’s Inn, n’est-ce pas, mon cher confrère ? Encore qu’il porte la bonne parole dans d’étranges endroits : je l’ai trouvé en train de se promener l’autre jour dans mon jardin. Vous n’étiez pas venu voler le linge qui séchait, j’espère ? »
    Je me forçai à rire de sa plaisanterie. « Je vais à Bishopsgate et ne fais que passer. Comme j’ai un nouveau cheval, je préfère éviter de lui faire affronter les foules de la Cité. »
    Norfolk se tourna vers Rich. « Un confrère de messire Shardlake s’est montré fort impertinent avec moi l’autre jour à Lincoln’s Inn, il m’a gratifié d’un sermon sur la religion nouvelle. » Ses yeux froids me fixaient, lançant des éclairs. « Mais vous me dites, vous, que vous n’êtes pas un de ces biblistes fanatiques !
    — Je suis les règles que le roi a établies, Votre Grâce. »
    Norfolk grogna, puis se tourna vers Genesis qu’il examina d’un regard expert. « Voilà un bidet bien ordinaire. Mais aussi, on ne peut guère emmener un cheval fringant dans la Cité. Et j’imagine

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