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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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à mi-voix en empochant la pièce. Et elle nous fit un bref signe de tête.
    Suivi de Barak, je sortis et me dirigeai rapidement vers les escaliers du fleuve. Bien que tout fût calme, nous étions sur nos gardes. Il n’y avait pas de bateaux à l’embarcadère, le fleuve étant fort encombré. Barak s’assit sur la première marche et je l’imitai, faisant glisser la courroie de ma sacoche, qui recommençait à me meurtrir l’épaule. Je lui racontai ce que m’avait dit la maquerelle. « À propos, ajoutai-je, merci de m’avoir sauvé la vie là-bas.
    — Merci de m’avoir rendu la pareille. Ce coquin m’aurait écrabouillé la cervelle. Et ce puits ? Vous voulez le voir ce soir ?
    — Non, je dois me rendre à Lincoln’s Inn afin de préparer l’audience de demain. Et je veux aussi trouver des livres sur le feu grégeois. »
    Il contempla le fleuve. Le soleil baissait à l’horizon et l’eau devenait argentée. « Demain, c’est le premier juin. Plus que neuf jours. Vous voyez que vous avez besoin de moi.
    — Eh oui », avouai-je dans un grand soupir en croisant son regard. Il se mit à rire.
    « Puis-je vous demander de me rendre un service ce soir ? Je voudrais que vous demandiez dans les tavernes de Lothbury si quelqu’un sait quoi que ce soit sur la famille Wentworth, s’il y a des bruits qui courent. Vous le ferez ?
    — Pourquoi pas ? J’aime passer mes soirées à boire. Je peux aussi aller dans les tavernes de marins pour me renseigner sur cette boisson polonaise. »
    Je regardai le palais de l’évêque. Des domestiques en livrée s’affairaient à l’extérieur et déroulaient un grand tapis rouge. « On dirait que monseigneur Gardiner attend des visites. Ah ! voici un bachot. Profitons-en. »

18
    B arak et moi soupâmes de bonne heure à Chancery Lane. Notre aventure nous avait épuisés, mais l’atmosphère entre nous était plus détendue même si nous ne parlions guère. Barak repartit aussitôt pour la Cité afin d’essayer de glaner des informations dans les tavernes. Il y en avait à Londres autant que d’églises, et je me doutais qu’il s’était déjà livré à ce genre de tournée pour le compte de Cromwell. Une occupation qui pouvait se révéler dangereuse. Entre-temps, j’avais le procès Bealknap à préparer, et il fallait que je consulte certains ouvrages à la bibliothèque de Chancery Lane. Je me levai à contrecœur et passai une fois de plus ma robe noire.
    Au-dehors, le jour déclinait. C’était l’un de ces couchers de soleil éclatants qui terminent parfois une chaude journée. Je levai la main pour me protéger les yeux en débouchant dans la rue et examinai les alentours en quête d’éventuels inconnus inquiétants. Je fis le trajet d’un bon pas dans une rue vide et ne fus pas fâché de franchir la porte d’entrée de Lincoln’s Inn.
    Un long carrosse bleu attendait dans la cour ; les chevaux mangeaient placidement, le nez dans leurs sacs à fourrage pendant que le cocher somnolait sur son siège. Un visiteur de haut rang… Pourvu que ce ne soit pas encore Norfolk.
    De nombreuses fenêtres étaient éclairées par la douce lumière des chandelles, car les avocats travaillaient tard maintenant que la session judiciaire avait commencé. Une odeur de poussière montait des pavés ronds et le soleil couchant teintait en rouge vif les murs de brique de Gatehouse Court. Un groupe d’étudiants, de plaisants damoiseaux en pourpoint à crevés fort colorés, passèrent en riant, en route pour quelque goguette dans la Cité.
    En tournant pour gagner mon bureau, j’avisai deux personnes assises sur un banc devant le hall et, à ma grande surprise, je reconnus Marchamount et lady Honor. Marchamount se penchait vers elle et parlait d’une voix basse et pressante. Je ne voyais pas le visage de lady Honor, mais toute son attitude exprimait la tension. Je me glissai discrètement derrière l’un des piliers de la voûte pour les observer. Au bout d’un moment, Marchamount se leva, salua sa compagne et s’éloigna rapidement, le visage froid et crispé. Après un instant d’hésitation, je m’approchai de lady Honor, ôtai ma toque et m’inclinai profondément. Elle portait une robe de soie aux larges manches bouffantes, au corselet brodé de fleurs. Je devais avoir piètre figure, car je transpirais et je n’avais toujours pas trouvé le temps d’aller chez le barbier. Peut-être allait-elle penser que je sacrifiais à la mode et me laissais

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