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Les Mystères de Jérusalem

Les Mystères de Jérusalem

Titel: Les Mystères de Jérusalem Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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homme résolu à
    se soumettre aux décisions du destin et tout entier voué à sa foi.
    je ne possédais ni cette sérénité ni ce calme. Bien au contraire, il me semblait que nous venions de vivre vingt-quatre heures au coeur du chaos.
    Jérusalem s'était rebellée devant notre intrusion dans ses mystères et, tel Moloch, cherchait à dévorer ses enfants.
    je n'avais pas eu le temps de bien connaître Calimani. Mais, après la mort de Rab HaÔm, la sienne m'ébranlait comme une fraternité brisée. Giuseppe n'allait plus apparaître le matin, tiré à quatre épingles dans ses costumes somptueux, pour m'abreuver de ses réflexions qui, je dois le reconnaître, m'avaient passionné plus que je ne l'admettais. Avec lui, j'avais partagé
    cette subtile complicité des hommes liés par un même amour : Jérusalem.
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    Le muezzin appela une fois de plus à la prière. La nostalgie me gagna.
    Cette invitation tombant du haut des minarets, les inflexions de la voix me rappelaient les chants hassidiques de mon enfance.
    Gagné par la tristesse, comme si je voulais partager avec celui qui n'était plus des souvenirs en moi remontant d'un lointain passé, je laissai se dérouler l'écheveau des fils tortueux qui m'avait conduit jusqu'ici.
    Comment nous étions-nous, mes parents et moi, échappés de Varsovie? je ne m'en souvenais plus avec netteté. Des amis catholiques de mon père,
    ˘nprimeurs et syndicalistes comme lui, étaient venus nous chercher, une nuit, dans le ghetto. Ils voulaient eux aussi, gr‚ce à une filière s˚re, rejoindre Londres pour s'engager dans la lutte contre les nazis. ¿ Londres siégeait alors le gouvernement polonais en exil et résidaient les membres de l'armée restée fidèle aux autorités légitimes du pays.
    Faute d'avoir pu prendre la bonne route, notre petite expédition n'était jamais parvenue en Angleterre. Au bout d'une longue marche, nous nous étions aventurés du côté opposé, dans la partie de la Pologne occupée par l'Armée rouge. Cela se passait trois ou quatre mois avant que Soviétiques et Allemands n'entrent en guerre les uns contre les autres. On nous envoya d'abord à Moscou, bientôt livrée à un déluge de bombes, d'o˘ nous f˚mes évacués en de longs et lents convois à destination de Kokand, dans la vallée de la Fergana.
    C'est à Kokand, dans le grenier de la maison, que j'ai découvert le premier atlas qu'il me fut donné de parcourir. J'y ai retrouvé les noms de villes inconnues et pourtant familières : Jérusalem, Safed, Tibériade, Jéricho, Jaffa... Ils m'étaient aussi proches que les noms des villes que je connaissais : Tachkent, Samarkand, Boukhara. J'avais huit ans. Du fond de l'Ouzbékistan, je découvrais IsraÎl.
    En février 1946, quelques mois après la fin de la guerre, alors que nous rentrions en Pologne, notre train fut attaqué par des paysans polonais. Ils nousjetaient des pierres : " Salesjuifs! On ne les a donc pas tous tués?
    criaient-ils. Dehors! Retournez en Palestine! "
    J'avais dix ans, et l'antisémitisme ne me surprenait pas : ma mémoire en était imprégnée. je ne me résignais pas pour autant.
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    Tandis que là-bas, en Eretz-IsraÎl, les Juifs se battaient pour un Etat juif, je me considérais mobilisé là o˘ j,étais. je suis donc devenu l'un des responsables de la jeunesse borokhoviste, un mouvement sioniste de gauche, enfant grave parmi d'autres enfants graves.
    Le jour de l'inauguration du monument élevé à la mémoire des combattants du ghetto de Varsovie, une masche dans la ville fut organisée. Par trains, par camions, arriva tout ce qui restait de plus de trois millions de juifs polonais: soixante-quinze mille rescapés des camps et des maquis - un sur quarante.
    C'était au mois de mai. Il faisait beau et le soleil jouait à travers les vitres brisées des façades encore debout. On avait déblayé un passage dans les rues dévastées. Nous marchions en silence dans les allées de ce cimetière qu'était devenue Varsovie. je me rappelle ce silence, que rompaient seulement le bruit de nos pas et le claquement des drapeaux - des drapeaux rouges, des drapeaux bleu et blanc. Des Polonais, venus des quartiers intacts, nous regardaient. Ils semblaient surpris que nous ne fussions pas tous morts. Certains crachaient devant eux dans la poussière.
    " Comme des rats, entendions-nous ici et là. Ils sont comme des rats! On a beau les tuer tous, ils sont toujours là. "
    Nous serrions les poings en silence. La

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