Les Mystères de Jérusalem
douloureux, hébété par les drogues, je retrouvai le jour et la vie. Mon heure n'était pas venue, il n'était pas encore temps que je rejoigne la poussière.
Dès que je fus en état de soutenir une conversation, médecins et amis, souvent les uns et les autres à la fois, s'empressèrent de me convaincre que tout, vraiment, allait pour le mieux.
- Le chirurgien a fait un superbe travail! s'exclama Patrick avant d'ajouter, dans un grand rire : Ton coeur est désormais comme neuf En aussi bon état que ta barbe! Gr‚ce à toi, il a réalisé une sorte de première...
Il e˚t été excessif de croire mon coeur si neuf que cela. Pourtant, au fil des heures et des jours, reprenant de l'assurance, je commençai à penser que désormais une vie nouvelle s'offrait à moi. Une manière de surplus. Un après-midi o˘ mon ami le French Doctor vint me rendre visite, après un échange de plaisanteries, je lui demandai :
- Bernard, dis-moi la vérité : j'y ai échappé de peu, n'est-ce pas ?
Il esquissa une moue réticente.
Disons qu'il y avait un vrai risque.
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Pugnace, comme à son habitude, il ajouta aussitôt :
- Marek, tu sais mieux que personne qu'un pêcheur ne se sert pas d'un hameçon d'or. Nous en avons parlé souvent tous les deux: la saveur de la vie n'est-elle pas dans le go˚t du danger? Ce qui importe, maintenant, c'est que tu sois de nouveau comme un enfant: ton avenir est devant toi!
Voilà toute la noblesse de la médecine, mon cher, permettre de la vie en plus... Tu me diras, toi, que Dieu n'y est peut-être pas pour rien et que c'est Lui qui t'offre ce beau cadeau...
Il n'était pas loin de la vérité. Dans la somnolence des premiers jours de convalescence, l'idée poursuivit son chemin. J'avais eu droit à ma part de chance: un supplément de temps. ¿ moi d'en faire le meilleur usage...
C'est ainsi, alors que je me laissais porter par la gratitude et la douceur d'une vie nouvelle, que la pensée de Jérusalem revint m'aiguillonner.
Comme endormie elle-même par l'anesthésique, la vision qui m'était venue sur la table d'opération, alors qu'on me plongeait dans l'inconscience, m'était sortie de la mémoire. Elle me revint d'un coup, une nuit, dans le bruissement continu de l'hôpital. Dans la pénombre de ma chambre, à nouveau se dressèrent devant moi la houle bleutée des montagnes et les murs dorés de Jérusalem, telle que je l'avais admirée dans ma demi-conscience, transformée en un majestueux et féerique navire. Lestée par l'histoire belle et furieuse des hommes, elle voguait une fois encore à ma rencontre...
je me rappelle aussi m'être demandé, à l'instant o˘ le coeur me manquait, si c'était par pur hasard que la mort m'avait approché alors queje cherchais des textes anciens surjérusalern. Maintenant que ma vie se raccordait au temps, ce songe étrange semblait renverser la question. L'…
ternel ne m'accordait-Il un surplus de vie que pour me contraindre à
m'acquitter de toutes mes dettes envers Jérusalem? …tait-ce à cause de l'antique injonction murmurée au jour de Pessah par les juifs en " exil ", L'année prochaine à _7érusalem, enfouie au plus profond de ma mémoire, que ces images avaient alors traversé mon esprit défaillant ?
¿ peine posée, la question contenait sa réponse. Mais elle en ouvrait aussitôt une foule d'autres!
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Depuis très longtemps, je *rojêtais dé crire un livre surjérusalem. Mon éditeur m'y encourageait. Pourtant, ne cessant d'en mesurer la difficulté, à chacun de mes essais et après avoir accumulé des pages et des chapitres, j'avais abandonné. Comment écrire sur l'immensité historique et spirituelle de cette ville plusieurs fois sainte? Comment raconter son bouillonnement présent et son obsession du passé ? Comment répondre à la question centrale : pourquoi? Pourquoi, d'un village nommé Salem, le Seigneur avait-Il fait "Jérusalem "? Pourquoi?... alors que dans le même temps régnaient et se développaient des villes de splendeurs, riches et savantes : Babylone, Athènes, Damas ou Alexandrie... Pourquoi l'…temel l'avait-Il si obstinément désignée à l'‚me, à l'amour et à la peine des hommes? Pourquoi avait-Il choisi d'en faire le foyer unique de la foi, de la souffrance et de la splendeur du sacré ? Le Talmud raconte : Après avoir créé la terre et le ciel, Dieu a divisé toute la beauté et toute la splendeur de Sa créah'on en dix paru égales. Il accorda neufparts de beauté et de
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