Les Mystères de Jérusalem
citernes et dissimulé
très loin leurs troupeaux, ils renversèrent la logique et se rassasièrent à
l'intérieur des murs tandis que nous périssions de soif et de faim au-dehors. Pour nous éviter de trop songer au vide de nos entrailles et soutenir notre volonté, le soir, le père Nikitas nous racontait la très vieille histoire de la Sainte Ville et ses mille tourments. C'est ainsi qu'il nous expliqua le sens profond des paroles de Matthieu: qyand donc vous verrez t'horreur dévastatrice dontparle le prophète Daniel s'établir dans le lieu saint - comprenne celui qui lit! - alors, que ceux de Judée fuient vers ks montagnes..
" Le père Nildtas avait vu juste. Plus nos ventres étaient vides et nos gosiers br˚lants, plus la fureur divine nous emportait.
" Après quatre semaines d'attente, des bateaux arrivèrent à Jaffa avec ce qu'il fallait pour construire des tours, des échelles et des mangonneaux.
On alla couper des arbres jusque dans les monts de Jéricho et notre fureur se déchaîna pendant un jour et une nuit surjérusalem. La punition des outrages fut terrible. On dit qu'il y avait quarante mille incrédules, sarrasins ou juifs, dans l'enceinte. Tous moururent.
" Ils ne cherchèrent pas à se défendre mais seulement à fuir. Et fuir, ils ne le pouvaient pas. Les chevaliers les fendaient de la tête à la ceinture.
Ou les décapitaient d'un unique coup de lame. Ou ne parvenaient à le faire qu'après leur avoir tranché les bras ou les mains. Deux millejuifs coururent s'enfermer à la synagogue. On y mit le feu. Tout l'après-midi on les entendit hurler dans les
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flammes. Au soir, il y avait partout des rivières de sang. Parfois si épaisses, comme dans les escaliers autour du parvis du Temple de Salomon, qu'elles ruisselaient jusqu'aux genoux. On glissait et tombait de marche en marche. Les cadavres mutilés y étaient entraînés, des mains et des bras y flottaient, allant s'unir à des corps auxquels ils n'avaient point appartenu. Ils s'entassaient en monceaux plus hauts que les portes des maisons. Dans la nuit, l'odeur du sang devint suffocante. Il était impossible de dormir ou de manger. Le vertige vous prenait comme au bord d'un abîme. Les pèlerins vidaient et pillaient les maisons à la lueur des flambeaux.
" Lorsque, les jours suivants, on sortit les morts de la ville pour en faire des b˚chers sur la route de Bethléem, ils furent aussi hauts que des maisons et on en compta quarante-deux. Mais personne ne sait le nombre de ces morts, si ce n'est Dieu, et Dieu seul.
" Depuis ce jour terrible, je me réveille chaque nuit, étouffé par l'odeur du sang ou visité par les cris desjuifs carbonisés. quelquefois même, je vois dans mon sommeil un infidèle quiveut m'embrasser en riant alors que ses bras sont tranchés aux épaules et que ses poumons pendent, tout p‚les, devant lui!
"J'ai confié ma peur de ces nuits au père Nikitas. Il a souri et, de sa voix si douce, il m'a dit. " Mon cher fils, le Tout-Puissant habite nos nuits comme Il gouverne nos jours. Peut-être prolonge-t-Il en toi la bataille parce qu'E ne te sent pas assez convaincu de la justesse de Sa colère? Prie, mon fils, prie et tu sauras pourquoi le sang doit couler. "
"Jérusalem libérée des sarrasins, il y eut grande liesse pour les preux et grand contentement pour les chevaliers qui vidèrent les maisons de leur or.
Elles en possédaient parfois en quantités inotiies. En décembre arriva l'archevêque de Pise, monseigneur Daimbert, avec mission, de par la volonté
du pape, de devenir notre patriarche. C'est alors que l'horreur que je pressentais jusqu'en mes rêves,
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Dieu et le père Nildtas me pardonnent, commença à ramper vers nous comme un serpent du désert.
" Au vingtième jour de janvier, monseigneur Daimbert, averti de la science du père Nikitas, le fit venir à lui. Il lui dit: " Moi, Daimbert, je veux désinfecterjérusalern de toutes ses scories hérétiques. Les seigneurs de la Croix l'ont purifiée de ses chairs putrides par la lame et le feu. Fort bien. Mais il reste à en purger l'esprit qui a trop longtemps baigné dans le purin blasphématoire. Comme vous le savez probablement, les juifs ont la manie des choses écrites. On "dit qu'ils les entassent dans des caches qui parfois remontent à des siècles et des siècles. E y eut, hélas, beaucoup dejuifs dans la Ville sainte. On imagine sans peine l'encombrement de cette pestilence spirituelle. Ces sortes de tombeaux
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