Les Mystères de Jérusalem
que vous voyez, celles de notre Temple, c'est là qu'il réside. "
Socrate y trouve un homme en haillons qui incarne à lui seul toute la douleur du monde. La douleur, oui, se dit-il, mais la sagesse? " Comment est-il possible que toi, que l'on dit -le plus sage des hommes, tu sois ainsi accablé par la perte d'un édifice de pierre et de bois? s'exclame-t-il devant Jérémie. - Ah! ami étranger, répond Jérémie, s'il ne s'agissait que de pierre et de bois, comme ton reproche serait pertinent! Mais mon abattement vient d'ailleurs. Autrefois, il m'arrivait aussi de connaître de sombres jours, mais il suffisait que je pénètre dans cet édifice et toute tristesse s'évanouissait. Depuis sa ruine, je suis empli d'un sentiment nouveau qui me brise l'‚me. - Lequel? - Le doute! "
Tom se frotta l'arête du nez, croisa le regard de Marek, qui souriait, puis celui d'Orit. Il ferma à demi les paupières comme s'il cherchait à
comprendre.
- Vous doutez que nous trouvions quoi que ce soit à Mizpa?
- je doute de tout et j'espère tout, mon cher ami! Il faut tenter pour savoir!
Cahmani, après un petit rire et un clin d'oeil en direction d'Orit, consulta sa montre et roula des yeux.
- Ouh là! Vous avez raison, je vais être en retard...
20
Le rabbin Steinsaltz
Le professeur étant parti en trottinant vers sa précieuse conférence, Tom et Orit quittèrent l'hôtel avec l'impatience de limiers pressentant l'hallali. je m'installai sur la terrasse, une tasse de thé entre les doigts, assez heureux d'être seul dans la paix ouatée de cette journée de bruine sur Jérusalem.
J'étais fatigué. Toute la nuit, mots, cris, images de Jérusalem s'étaient télescopés avec fracas sur les routes sinueuses de mes rêves. L'agression contre Rab HaÔm m'avait profondément troublé. Si, depuis mon opération, la mort ne m'angoissait plus, les brutalités subies par le vieux bouquiniste, en revanche, m'affligeaient au plus haut point. Rab HaÔm, peut-être à cause de sa manière désuète mais pénétrante de manipuler le temps et la mémoire, les textes et la chair du passé, m'était devenu très proche. Comme si nous appartenions, par une connexion subtile et impalpable, à la même famille.
Ayant donc du mal à trouver le sommeil, j'avais commis l'erreur de regarder tardivement la télévision. ¿ l'origine, je voulais seulement jeter un coup d'oeil aux informations du soir pour voir s'il était question de cette agression. Mais l'actualité était tout entière occupée par l'attentat de l'aube précédente, près de la porte de Damas. Parmi les blessés, quatre personnes dont deux très jeunes filles avaient finalement succombé à leurs blessures. Toutes les chaînes TV rappelaient la litanie infernale de ces meurtres en masse, insistant avec force détails sur les amas de corps ensanglantés, Les images de la télévision jordanienne, 220
celles de la BBC comme celles de la deuxième chaîne israélienne., montraient le Premier ministre parlant devant une forêt de micros.
Continuant de zapper, je tombai sur NBC. Les Américains, en direct, relayaient les mêmes scènes, les mêmes évocations., les mêmes mots. De toute évidence, me dis-je, il est des dieux dont la soif n'est jamais étanchée!
Une tuerie en pleine ville, Jérusalem en était, hélas, coutumière. Chaque jour, on pouvait s'attendre à ce déchaînement haineux de la violence. Et dire qu'Adain se serait réfugié dans cette ville pour fuir la violence de ses propres fils! Toujours le refus de l'autre! Toujours le même geste fratricide! ¿ quand le prochain? me demandais-je avec une rage qui me tétanisait.
je m'aperçus bientôt que je scrutais un écran muet : j'avais inconsciemment coupé le son. Mais le son était en moi, avec ce que je savais et ne savais pas de cette ville, de ses habitants, et qui murmurait à travers ses remparts, ses coupoles, ses tours, ses toits, ses ruelles et ses secrets.
J'écoutais sa rumeur et son silence. Dans la nuit, je voyais son immensité, blanche à force de lumi*ère, qui se noyait au-delà des monts dejudée dans cette mer Morte o˘ furent englouties Sodome et Gomorrhe; la palpitation de ses vagues de haut sel emplissait peu à peu ma poitrine, comme se confondant avec le rythme de mon coeur.
je n'entendais d'ailleurs plus que lu4 que son battement, comme si lui seul pouvait s'accorder à ce monde privé de son, redonner vie àjérusalem, trouver un sens à la perpétuelle brisure du sacré. je
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