Les Mystères de Jérusalem
me souvins d'avoir contemplé, au musée du Caire, des débris de vases et de statuettes découverts à Thèbes et à Sakkarah. Les archéologues les avaient reconstitués et avaient ainsi mis en évidence des inscriptions foisonnantes d'ir*ures et de malédictions. Elles concernaient avant tout des homnies, des familles ou des souverains ennemis, et notamment des rois de Canaan et de Syrie. Dans ces imprécations, j'avais retrouvé des noms familiers : Salem Jérusalem), Ascalon, Tyr, Haçor, Bethsamé, Sichem... Mon guide égyptien avait précisé que ces textes dataient du xixe siècle avant notre ère. ¿ l'époque même o˘ Abraham rendait visite au mystérieux Melchisédech... Les archéologues avaient-ils songé qu'en recollant ces fragments de vases et de statuettes, en remettant les mots en place, ils pre-
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riaient le risque de redonner vie à la malê‚lctîoli'è"i*¿'la haine, de les réactiver ?
Et nous, que faisions-nous, au juste, en poursuivant notre quête du trésor?
Même si nous ne le trouvions pas, ce qui demeurait le plus probable, quelles forces maléfiques allionsnous déclencher? jusqu'o˘ irait notre inconscience?
je fus sur le point de me lever pour aller frapper à la porte de Tom et lui dire que j'abandonnais la partie. Puis, une fois encore, je revis Rab HaÔm malmené par l'homme de main russe. Nous étions bel et bien piégés.
Abandonner reviendrait à laisser la voie libre à des truands sans sens moral. Cependant, depuis la trouvaille miraculeuse de la veille, je commençais à craindre que nous n'ayons trop tendance à nous prendre pour des chercheurs de trésor. Et il fallait être bien présomptueux pour nous croire capables d'en être sérieusement les protecteurs!
je m'étais finalement endormi en décidant d'aborder cette question lors de la petite réunion prévue avant le départ de Tom et d'Orit pour Mizpa.
Mais voilà. J'étais maintenant assis devant Jérusalem nappée de pluie. Le professeur Cahmani s'était livré à son brillant numéro d'érudition. Tom, piaffant, n'en avait été que plus impatient de partir en chasse et Orit semblait si s˚re, si solide... comme si son intelligence attentive, incarnée dans sa beauté, représentait en soi une sorte de protection pour nous tous. je n'avais donc pas eu le courage - ou la volonté - de les accabler avec mes problèmes de conscience!
Le destin n'est-il pas fait aussi de ces minuscules événements, de ces décisions prises ou remises pour un rien, une humeur, une vibration ou un regard, qui, sans même que nous le percevions , nous engagent infiniment plus que les grandes et pompeuses décisions affichées ?
Il ne me restait plus qu'à agir à mon tour et à ma manière. Avec l'intention d'aller plus tard rendre visite à Rab HaÔm, je téléphonai au rabbin Adin Steinsaltz.
- Venez, venez! me dit-il aussitôt, comme si le temps ne comptait pas pour lui. Venez donc bavarder un moment!
Nous avions fait connaissance à l'époque o˘ j'écrivais La MÎrnoire dAbraham. Traducteur du Talmud, le rabbin Steinsaltz 222
éta't'dePu's toujours, le seul à avoir l'habileté de me suggérer des réponses aux questions que je me posais, y compris aux plus angoissantes.
Teint blafard, barbiche à la chinoise, oeil malicieux, le rabbin m'accueillit avec son sourire d'enfant. E possédait une mémoire phénoménale mais, par méthode, ne livrait jamais ses connaissances directement. quand je lui soumettais un problème, il préférait me renvoyer à un commentaire, à
un midrash, à un événement biblique ou contemporain qui me mettait sur la piste et me donnait le sentiment de découvrir moi-même la réponse.
Dans la nouvelle ville juive, il occupait une maison de style arabe - fines colonnades, plafonds en coupole, minuscules fenêtres à ogives prolongées de moucharabiehs ouvragés. Le rabbin y vivait dans la pénombre. …tait-ce la raison de sa p‚leur?
- Vous, vous avez des soucis, me dit-il d'emblée en yiddish tout en me désignant un fauteuil.
Cependant, avec sa discrétion habituelle, il changea de sujet tandis que je prenais place.
- ¿ quoi donc travaillez-vous en ce moment?
J'hésitai.je crois que j'avais un peu honte de lui livrer l'entière vérité.
- Disons que je réunis les matériaux pour un livre.
Sourit-il? En tout cas, les sourcils qu'il leva formaient une silencieuse interrogation.
- Un roman que j'aimerais appeler Les Mystères de jérusakm, ajoutai-je, sans autre
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