Les Mystères de Jérusalem

précision.
    Ses doigts cessèrent de caresser sa barbe pour aller rajuster la Idppa qui glissait sur son cr‚ne.
    - On a beaucoup écrit sur Jérusalem.
    - Rab HaÔm m'a dit la même chose.
    - Le bouquiniste?
    - Oui. J'étais dans son magasin hier lorsqu'il a été attaqué...
    - Ah! c'était donc vous... On m'a raconté.
    - je compte aller le voir tout à l'heure à l'hôpital.
    Le rabbin Steinsaltz, toujours debout, approuva d'un petit hochement de tête.
    - D'après ce que je sais, les nouvelles de son état ne sont pas très bonnes... Voulez-vous du thé? Du café?
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    - Du thé, merci.
    Il disparut derrière une porte de métal peinte en vert- je devi nai quelques conciliabules. Puis il revint et s'assit en face de moi, sur une chaise de bois.
    - On a dérobé des manuscrits à Rab HaÔm, n'est-ce pas?
    - Oui.
    - Ces manuscrits vous étaient destinés, je suppose?
    Il cala sa papillote droite derrière son oreille. Un silence s'installa, interrompu par l'arrivée de sa femme portant un plateau. Fragile, p‚le, les cheveux cachés par un foulard blanc, elle était originaire de Belgique.
    C'est donc en français qu'elle s'adressa à moi. Nous échange‚mes quelques propos, puis elle s'éclipsa.
    - Je comprends, fit le rabbin Steinsaltz en reposant sa tasse sur la table.
    je comprends la tentation... La tentation de reconstruire l'histoire que la Bible a dédaignée. je donne moimême l'exemple du roi Achab. Dans le cadre d'une coalition antiassyrienne, en 853 avant cette ère, ce souverain a participé à l'une des plus grandes batailles de chars jamais engagées dans l'Antiquité. Pensez donc : le roi d'Assyrie opposa deux mie chars et cinq mille cinq cent quarante-deux cavaliers à la coalition dirigée par IsraÎl, qui rassembla de son côté trois mille neuf cents chars, mille neuf cents cavaliers, mille chameliers... Et c'est à peine si le nom de cette bataille figure dans la Bible! En revanche, le fait que le même roi Achab ait voulu déposséder un pauvre vigneron, Naboth, de sa vigne occupe tout un chapitre.
    Le rabbin Steinsaltz racontait en fermant aux trois quarts ses paupières, tout en oscillant d'avant en arrière, comme s'il priait. Il se tut, ouvrit les yeux et m'observa avec intensité comme pour s'assurer que je l'écoutais bien.
    - La Bible, poursuivit-il, est centrée sur l'éthique. Sur la morale que l'on peut tirer de l'histoire, et non sur l'histoire ellemême.
    Son visage se creusa pour un sourire.
    - Mais vous vous intéressez d'abord à l'histoire, n'est-ce pas?
    - Pour en tirer une morale.
    Il n'y a pas plusieurs morales, trancha le rabbin.
    Mais il y a une profusion d'histoires dont on peut tirer une morale, rétorquai-je.
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    Le rabbin Steinsaltz sourit à nouveau-.
    - Par o˘ allez-vous commencer?
    - Peut-être par la source de Guihon: Jérusalem est née d'une source...
    - Une source ? Pourquoi une source ?je n'y avais pas pensé...
    je profitai de sa surprise pour lui poser une question à laquelle J 1 avais déjà reçu de nombreuses réponses, pour la plupart contradictoires.
    - qui étaient les premiers habitants de Jérusalem ?
    Le rabbin me regarda droit dans les yeux. Se remettant à caresser sa barbe rare, il m'interrogea à son tour.
    - que dit le Livre?
    - que ce furent lesjébuséens...
    Il saisit alors une bible ouverte sur la table et me la tendit. Puis, sur un ton qui n'admettait pas de réplique
    - Voyons le texte!
    Comme pour me guider dans le labyrinthe o˘ il nous conviait, il précisa :
    - juges, 1, 21...
    je trouvai le paragraphe sans difficulté. je le lus à voix haute
    - Pour les_7ébuséens, habitants de_7érusalem, les enfants de Benjamin ne les dépossédèrent point..
    Et je demandai :
    - Mais qui étaient les Jébuséens
    - Voyez …zéchiel, XVI, 3, et XVI, 45.
    je lus encore :
    - Ton père était amorrhéen et ta mère hittite...
    - Allez maintenant au chapitre des Nombres, XIII, 29, suggéra une fois de plus le rabbin.
    - Le Hittite, le _7ébuséen et lAmorrhéen habitent la montqu...
    Croisant le regard attentif de mon hôte, j'eus soudain envie de l'éblouir.
    - Ephron, qui vendit à Abraham la grotte de Makhpela à Hébron, était aussi un Hittite, fis-je observer.
    - En effet, admit le rabbin, la main accrochée à sa barbe.
    - Alors, poursuivis-je d'une voix plus s˚re, tel un enf‚nt venant de comprendre sa leçon : tous les habitants de JébusJérusalem s'appelaient Jébuséens. Exactement comme tous les
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    habitants de Paris,