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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’adressait à un malade. Dame Alix d’Harcourt, à Chauvigny, va se réjouir grandement !
    Chauvigny. Ogier fut sur le point de cracher dans l’âtre tant, soudain, il avait de fiel dans la gorge. Ce nom qui avait tant flamboyé dans sa tête, il lui advenait de le détester. Il avait connu là Blandine et Sirvin, et après sa victoire aux joutes, des tourments dont l’insidieux rappel brisait souvent ses sommeils. Jamais il ne retournerait en Poitou, et si Blandine souhaitait y revenir, ce serait hourdée [229] de quelques soudoyers, mais sans lui. Ah ! comme l’ardeur d’aimer l’avait abandonné ce jour d’hui. Le bonheur de sa sœur et de Thierry, leur réciproque confiance et surtout leurs mains unies révélant de secrètes ententes étaient comme une offense à sa maussaderie. Passion simple et belle que la leur… Lui, Ogier, pour un pelisson refusé, ne touchait plus Blandine depuis une quinzaine…
    « Un jour », décida-t-il, « j’empoignerai Bertine ! »
    Elle rirait mais se prêterait à son envie : le don charnel, elle le faisait sans façons ni remords. Sans conditions. Et peut-être valait-il mieux faire l’amour sans amour avec un tant soit peu de bonne volonté que de se ronger les sangs et l’imagination dans une passion absurde !
    — Après Noël, c’est promis, dit Blandine.
    Ses joues s’étaient teintées, son sourire brillait ; elle montra du menton la cathèdre paternelle. Aude s’y assit et remonta son jupon et sa robe pour ne pas les souiller à la boue de ses heuses.
    « Et voilà que ma chère épouse me prend la main et m’invite à m’asseoir sur l’accoudoir de son siège ! »
    Fou de colère, il arracha sa dextre ; mais il devait donner le change :
    — Quelque chose me pique… Une écharde, sans doute…
    Un rire tinta. Blandine :
    — Si tu laissais faire certaines tâches à tes soudoyers, cela n’arriverait pas. Tu te prends plus pour un huron que pour un chevalier !
    Ogier eut envie de lui faire très mal ; de la pincer et de hurler devant Aude et Thierry : «  Mais sois donc telle que je te veux ! Telle que tu peux être sans renoncer à rien de ce qui fait ta grâce ! » Il se maudissait parfois de s’être épris d’elle comme d’une divinité. Il saisit Thierry par l’épaule :
    — Viens, je vais te montrer quelques sagettes et un arc que Tinchebraye a ramenés de Coutances…
    Il fuyait. Thierry, silencieux, le suivit jusqu’à l’armerie, et quand il en eut clos la porte, l’ancien écuyer dit aussitôt :
    — Ça ne va pas avec ton épouse ?
    — Ça se voit tellement ?… Un jour bien, deux jours mal… Foi d’Ogier, je…
    Soudain, le récit de ses déceptions lui parut susceptible de le déshonorer tout en forçant Thierry à une sollicitude dont il n’avait aucun besoin, bien qu’il fût le seul homme capable de le comprendre. Il tremblait de honte, de rage : voilà où en était son mariage sans qu’il eût rien commis pour le détériorer.
    — Elle croit que le bonheur s’achète… Pas moi. Je n’ai plus un sou, je n’ai pas soldé mes hommes… Ils ont compris mes difficultés… Au printemps nous partirons pour la Bretagne.
    — Veux-tu que je te donne…
    — Garde ta bourse close… Blandine a dû manquer de moult choses à Poitiers. Elle en veut trop… et sans patience.
    Tout cela semblait contradictoire, mais Thierry hochait la tête comme s’il comprenait.
    — Même si j’avais cent écus d’or, il y a des envies que je ne satisferais pas… Nous nous sommes aimés, enflammés l’un pour l’autre, et tout me paraît consumé… Je désire son bonheur, mais je ne puis toujours accéder à ses volontés… nullement parce que je suis rude, mais parce que si j’accepte de les satisfaire, elle me jettera sur une pente où tout ne deviendrait pour nous que des échanges.
    — Je crois comprendre.
    — Je ne me soucie plus qu’elle m’accorde ses faveurs comme une récompense à quelque don, quelque présent de plus ou moins grande valeur… Je commence à avoir envie d’une femme dont l’existence serait vide d’hésitations et de marchandages !
    — Tu en es là !
    Thierry n’ajoutait pas : « Déjà », mais sa bouche tordue, un peu tremblante, le disait. Ogier sourit, toute violence et tout ressentiment abolis :
    — J’en suis là depuis quelque temps.
    Peut-être des pleurs de Blandine, des pleurs de fillette injustement déçue, sermonnée ou malmenée, ne

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