Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
et Marie s’éloignaient, bousculant les hommes apeurés, indécis, époumonés, dont certains rajustaient leur harnois ou venaient en aide aux blessés plus nombreux, dont quelques-uns se démenaient contre la souffrance ou la mort tandis qu’en haut des malheureux criaient à l’aide.
    — Tout se passera bien, affirma le Borgne.
    — Je n’en ai jamais douté… Mais plus j’épargnerai des vies, plus je serai satisfait.
    — Vous n’êtes pas comme notre sire Philippe et tant d’autres !
    Ogier ne répondit pas. Et pourtant, insidieusement, le Borgne lui faisait un compliment dont Tinchebraye prisait la qualité :
    — Il n’est comme aucun autre… C’est pour ça que mes compagnons et moi lui sommes attachés !
    Ils levèrent les yeux sur la bannière. Deux crevures nouvelles mettaient des taches noires au flanc d’un des lions.
    — Heureusement, messire, qu’il n’y a pas dix fossés, dit en souriant le Borgne, car parti avec des lions, vous arriveriez avec des panthères !
    — Vivement, l’homme, que tes pavescheurs arrivent avec les gars aux échelles…
    « Ma voix a tremblé… L’émoi ?… Sans doute… Que deviendront mes lions si je meurs ce jour d’hui ?… Père n’en a plus pour longtemps ; Thierry peut succomber au cours d’un affrontement… Qui prendra soin de mon fils et en fera un chevalier ?… L’unique présence de Blandine a son côté serait néfaste… Sans le vouloir, elle l’émasculerait… Façon de penser… Oh ! certes, elle ne cesserait point de vanter mes mérites… Et qui sait ? Son ventre la démangerait !… Mais pour l’amour, bernique !… À moins qu’elle ne me trouve un remplaçant avec lequel elle sera douce et docile ! »
    Il devenait odieux. Un inassouvi, voilà ce qu’il était ! En fait, il n’avait pas su conquérir Blandine…
    « Mais je saurai conquérir cette tour !… Ah ! les pavescheurs. »
    Les hommes qui venaient à sa rencontre, auxquels Ratbold, Le Doulx et Marie ouvraient un chemin à coup de bourrades et de jurons, étaient solides, coiffés et vêtus de mailles ; la trentaine ; le regard vif, décidé.
    — Les meilleurs sûrement, commenta le Borgne de Bapaume.
    Ogier leur sourit sans envie : ceux-là pourraient trouver la mort. Et la pire : l’écrasement.
    — Vous avez des pavois génois : ils sont épais, durs aux coups… Quand sonnera le cor, vous bondirez des échelles que vous allez gravir maintenant et courrez former deux tortues sous les murs de part et d’autre de la porte.
    — Par les hourds, ils nous jetteront des boulets… peut-être de l’eau bouillante. Mais ça ne fait rien : leur tour n’est pas si haute et nous résisterons aux coups…
    Celui qui parlait, un brun, barbu à tête ronde, saignait à un genou : peut-être, en tombant dans la fosse, avait-il heurté une arme. Ce devait être un grincheux. Près de lui apparut Guillonnet, qui dit fièrement :
    — C’est mon père… Je vais avec lui… On vient de me donner de la graisse, un fusil, un briquet, des mèches, pour le cas où les feux prendraient mal.
    Ogier aperçut, sinuant au-dessus des timbres des chapeaux et barbutes, les touffes rouges des torches.
    — Soit… Il y avait des hommes avec des houètes, des haches et des hoyaux. Où sont-ils ?
    — Là, messire, dit une voix. Vingt-cinq…
    — Cinq ou six doivent suffire. Nous n’allons pas les assaillir partout, mais seulement aux abords de la porte… Quand nous serons bien actifs, menez l’assaut de toutes parts… S’ils ne sont pas sots, ils se rendront : j’exige que vous leur laissiez la vie sauve.
    Le Borgne de Bapaume hocha la tête. L’idée de ne pas châtier ces Anglais qui lui avaient meurtri des compères le remplissait d’indignation, mais plutôt que de vitupérer la clémence d’un chevalier qu’il désavouait du regard aussi durement que possible, il préférait se soumettre à son commandement par prudence et non par respect.
    — Soit, ils vivront… du moins ceux qui se rendront.
    — Et si, dit Ratbold, les Goddons du rivage viennent à la rescousse ?
    — Il suffit, maintenant, de cent gars pour maîtriser ce beffroi. Et je vois grand !… Si les Goddons d’en bas se montraient dangereux, nos hommes couraient au-devant d’eux, mais je doute qu’ils cherchent à nous détruire.
    — Pourquoi, messire ? demanda le Borgne de Bapaume.
    — Ne prends pas, l’ami, ce sourire moqueur. Si les Goddons

Weitere Kostenlose Bücher