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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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et ainsi de suite.
    Mais, finalement, une jeune fille avec qui "il peut parler, une jolie petite fille aux cheveux bruns, à la voix douce et timide, au menton orné d’un charmant grain de beauté dont elle est fort consciente. Un ou deux ans plus jeune que lui, tout juste frais émoulue de l’école, et elle veut être actrice ou poétesse. Elle lui fait écouter les symhonies de Tchaïkovski (la Cinquième est sa préférée), lit ook Homeward, Angel de Thomas Wolfe, et travaille comme vendeuse dans un magasin pour femmes.
    Oh, je ne pense pas que j’ai un mauvais travail, dit-elle, mais… les filles dans mon rayon manquent réellement de classe, rien de spécial en elles qui mériterait seulement qu’on en fasse mention dans une lettre. J’aimerais faire quelque chose d’autre.
    Oh, moi aussi, tellement, dit-il.
    Tu devrais, Joey, tu es une personne d’un type plus fin que les autres, je vois que nous sommes les seuls penseurs. (Ils rient avec une soudaine et magique intimité.)
    Désormais, assis sur les coussins rembourrés du sofa marron qui adorne l’appartement de la jeune fille, ils se lancent dans de longues conversations. Ils discutent l’incompatibilité du mariage et de la poursuite d’une carrière, académiquement, abstraitement, car bien entendu ils ne sont pas en cause. Eux sont des personnes qui observent la vie. Et, pris dans l’attrayante toile tissée d’introspections alambiquées où s’engluent des jeunes amoureux, ou plus exactement des jeunes qui se pelotent, ils progressent le long de la plus ancienne route du monde, et de la plus décevante aussi, en tant qu’ils ont la certitude qu’elle leur est unique. Quand enfin ils se considèrent fiancés, le sens à la fois subtil et confus de leur foi engagée leur échappe.
    Ils sont mus et émus par leurs confidences réciproques, par leurs longues conversations poursuivies à voix voilée sur le sofa familial, dans les restaurants populaires, parmi le murmure velouté des cinémas où l’on se tient la main à l’abri de l’obscurité. Ils en oublient ce qui les a conduits à l’amour ; seuls les effets de celui-ci les passionnent. Et, naturellement, la teneur de leurs conversations se modifie, où de nouveaux thèmes se font entendre. Il se peut que des jeunes filles timides et sensibles finissent par devenir des poétesses, ou que s’étant aigries elles boivent solitairement dans les tavernes, mais de jolies filles juives, timides et sensibles, finissent généralement par se marier, sur quoi elles ont des enfants, gagnent deux livres par ah, et se préoccupent davantage de rafistoler un vieux chapeau ou d’essayer un nouveau genre de casserole, que de la signification de l’existence. Après leurs fiançailles, Natalie discute avenir.
    Oh ! chéri, tu sais je ne veux pas te quereller mais nous ne pouvons pas nous marier avec ce que tu gagnes ; après tout, tu ne voudrais pas que je vive dans un logement sans chauffage. Une femme aime à arranger les choses, avoir un joli intérieur, c’est si terriblement important, Joey.
    Je comprends ce que tu veux dire, répond-il, mais Natalie chérie, les choses ne sont pas faciles du tout, il est beaucoup question d’une accalmie dans les affaires, et on ne sait jamais, il se peut que nous passions par une nouvelle crise économique.
    Joey, ça ne te ressemble pas de parler comme ça, ce que j’aime en toi c’est que tu es si fort et si optimiste.
    Non, c’est toi qui me rends fort et optimiste. Il garde le silence pendant un temps. Tu sais, à vrai dire oui, j’ai une idée, je songe à apprendre la soudure électrique, c’est une nouvelle branche, mais pas tellement nouvelle qu’elle ne soit déjà établie. Bien sûr, je pense que l’avenir est aux matières plastiques et à la télévision, mais on ne peut pas encore y compter, et je dois dire que je n’ai pas les connaissances nécessaires pour m’y attaquer.
    Ça me paraît raisonnable, Joey. Elle considère le problème. Ça n’est pas la plus noble des professions, mais dans deux ou trois ans tu auras peut-être ton propre atelier.
    Un atelier.
    Un atelier, atelier, il n’y a pas de quoi avoir honte. Tu serais… un homme d’affaires.
    Ils en discutent, décident qu’il devra suivre des cours du soir pendant une année pour apprendre le métier. Cette idée lui donne le cafard. Je ne pourrai plus te voir si souvent, peut-être deux soirées par semaine seulement, je me demande si c’est bien

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