Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
Vom Netzwerk:
Ces attrape-nigauds dont se servent les Allemands en Europe, ou même notre propre expérience sur la colline 318 à Motome. Petites choses, dangereuses comme une invasion de vermine, petites choses noires qui sapent les hommes, qui les emplissent de nausée et d’horreur jusqu’à ce qu’à force d’écarquiller les yeux on se mette à larmoyer – anticipation de l’explosion, peur que le rampement d’un cafard ne fasse partir la mine.
    Le tank et le camion tels les lourds et massifs animaux de la jungle, cerfs et rhinocéros, la mitrailleuse comme le clabaudage cancanier qui fauche des vies à la douzaine ? Ou le fusil, arme personnelle si tranquille, prolongement de notre force. N’est-il pas possible d’établir un rapport qui leur soit commun ?
    Et, corrélativement, au combat les hommes sont plus proches de leurs machines que de leurs semblables. Une thèse plausible, acceptable. Combat signifie coordination de milliers d’hommes-machines doués d’un sens d’orientation qui s’élancent à travers un champ, qui suent comme un radiateur au soleil, qui frissonnent et se raidissent comme une pièce de métal sous la pluie. Nous ne sommes plus éloignés de la machine ; je le perçois dans nui propre pensée. Nous n’additionnons plus hommes et chevaux. Une machine vaut tant d’hommes ; la Marine s’en est rendu compte plus finement même que nous autres. Les nations dont les chefs aspirent à égaler Dieu font l’apothéose de la machine. Je me demande si cela est valable pour moi.
    II se recala sur sa chaise et alluma une cigarette. La lampe à essence se mit à ronfler et, s’étant redressé pour l’ajuster, il se souvint de l’expression d’Hearn quand celui-ci, assis sous cette même tente, avait demande son transfert. Il haussa les épaules, se réclina de nouveau sur sa chaise, regarda sa table. Transcrite sur le papier sa pensée semblait manquer de profondeur, de simplicité, et il en était vaguement mécontent. Il aurait pu s’en tenir là, mais le souvenir du lieutenant Hearn l’avait troublé, mettant presque à nu une nappe de son esprit. Il chassa résolument l’image de Hearn, tira une ligne sous sa dernière phrase, et se remit à son journal.
    Je réfléchissais tout à l’heure à une courbe dont les significations sont plutôt nombreuses. La parabole asymétrique, comme celle-ci –
    ou celle-ci –
    ou celle-ci –
    ou celle-ci -
    Re : la planche spenglérienne pour toutes les cultures (jeunesse, croissance, maturité, vieillesse, ou bourgeonnement, floraison, flétrissure, putréfaction). Mais la courbe ci-dessus est la forme linéaire de toute culture. Une époque semble toujours atteindre son zénith en un point situé au-delà du centre de son orbite. La chute est toujours plus rapide que l’ascension. La voilà bien, la courbe de la tragédie ; je tiens pour un principe esthétique sain que le développement d’un personnage s’élabore plus lentement que sa décadence.
    Mais d’un autre point de vue cette forme est la courbe profilée du sein de l’homme ou de la femme.
    Cummings s’interrompit, sentant un fourmillement nerveux le long de son dos. La comparaison le troubla, et les deux ou trois phrases qu’il nota tout de suite après n’eurent guère de sens pour lui.
    … du sein de l’homme ou de la femme, la courbe fondamentale de l’amour je suppose. C’est la courbe de toutes les puissances de l’homme (abstraction du degré de sa culture ou des signes de sa décadence), et cela semble être la courbe de l’excitation et de la décharge sexuelles qui sont, après tout, le noyau physique de la vie.
    Quelle est-elle, cette courbe ? C’est le parcours fondamental de tout projectile, balle, pierre, flèche (la flèche nietzschéenne du désir), obus d’artillerie. C’est la courbe du trait mortel, aussi bien qu’une abstraction de la pulsion vie-amour ; < i ! «  démontre la forme de l’existence, et vie et mort ne sont que de différents points aperçus au cours d’une même trajectoire La vie est le point que nous voyons et sentons quand noussommes à cheval sur l’obus : c’est le présent, le voir, le sentir le pressentir. La mort est le point d’où nous embrassons l’obus dans sa totalité ; c’est le moment où l’obus connaît son inexorable fin, le terme vers lequel il a été destiné par des lois physiques inévitables à partir de l’instant de son impulsion primitive, quand il a été catapulté dans les

Weitere Kostenlose Bücher