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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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joie.
    — C’est… une demande en mariage, Pierre ?
    — Ben, peut-être... je... j’en ai ben l’impression, répondit-il
     gauchement.
    Il ne pouvait se dédire. Il ajouta rapidement :
    — Je veux pas que tu me répondes avant mon retour.
    — Mais...
    — C’est une grave décision, je veux que tu y penses ben comme il faut.
    — Mais...
    Pour la faire taire, il ne lui restait plus qu’un moyen.
    Il se pencha et voulut l’embrasser.
    — Non, c’est péché, Pierre.
    Depuis qu’il la courtisait, c’est à peine s’il avait pu lui voler un baiser ou
     deux et encore, un baiser tout ce qu’il y avait de plus sage. Odile lui avait
     rétorqué que c’était mal ! Elle était loin de ces jeunes filles modernes qui
     veulent s’amuser et posséder plus de liberté. Il l’avait emmenée à une plage du
     lac Saint-Jean cet été, mais elle avait immédiatement demandé à repartir,
     offusquée d’avoir vu des filles et des garçons à moitié habillés se chamailler
     dans l’eau. Cette attitude si chaste quand, à longueur de journée à la maison,
     elle avait sous les yeux bien pire le consternait. Ce paradoxe découlait du
     couvent. Plus la mère d’Odile était dévergondée, plus la jeune fille s’armait de
     puritanisme. Pierre ne pouvait croire qu’elle ne se rendait compte de
     rien.
    Odile regarda son prétendant. Elle ne voulait pas le perdre,
     perdre ses chances de quitter cette maison immonde, ce village où on riait
     d’elle et de sa mère, où on colportait de monstrueux ragots. Odile s’était juré
     d’être la perfection incarnée. Elle voulait tant ne pas ressembler à sa mère.
     Elle désirait plus que tout partir et laisser derrière elle cette mauvaise
     vie.
    Pierre lui sourit.
    — Tu vas voir, Odile, l’hiver va vite passer. Bon, j’vas y aller, moi. Mon
     frère Mathieu m’attend dans le char.
    — Ton frère, il n’est pas débarqué ? s’étonna Odile.
    — Non… Ça fait pas longtemps qu’il est revenu de Montréal. Je sais pas trop ce
     qui s’est passé, mais notre père l’a obligé à gagner les bois avec moi. On va
     faire équipe pis partager l’argent.
    Pierre ne pouvait quand même pas avouer à la jeune fille qu’il ne voulait pas
     que Mathieu voie ni la maison ni la mère ! Devant son frère, il avait prétexté
     que sa petite amie était très timide et que sa mère était souffrante, ce qui
     n’était pas vraiment un mensonge quant à Pierre.
    — Tu vas m’écrire ? demanda Odile en le retenant encore un peu.
    — Oui, je te le jure.
    — Je vais t’attendre, Pierre. Tous les soirs, je vais te confier dans mes
     prières, tous les soirs, je vais m’endormir avec toi comme dernière
     pensée.
    — Je peux vraiment pas te donner un petit bec ? demanda Pierre.
    — Ce serait pas correct…
    Tout à coup, Pierre en eut assez de ces enfantillages. Il prit Odile par la
     taille et embrassa la jeune fille avec plus de brusquerie qu’il l’avait voulu.
     Avant de la relâcher, il lui murmura :
    — Je reviens avec le beau temps.
    — Non, Pierre, c’est le beau temps qui va revenir avec toi…

Printemps 1952

    P
endant tout l’hiver, Pierre pensa peu à Odile. C’est
     comme s’il s’était donné le droit de s’arrêter, de seulement exister, de mettre
     son cœur en hibernation. Maintenant que le retour était proche, il s’éveillait
     tel le printemps. Il commença à compter l’argent qu’il avait fait et les jours
     qui le séparaient de ses retrouvailles. Il prit sa décision. Il allait épouser
     Odile, peu importe la petite voix qui lui disait de fuir à toutes jambes la
     descendance d’une femme immorale. On lui avait remis seulement une lettre de sa
     promise. Le service de courrier à ce nouveau chantier au nord-est du
     Lac-Saint-Jean n’était pas fameux. Odile lui affirmait se languir de lui. Pierre
     se mit à rêver à sa nuit de noces. Il voulait une femme dans son lit, toutes les
     nuits. Il ajusta l’angle de sa hache et entailla l’arbre. Il cria à son frère
     Mathieu de venir l’aider à enfoncer la cale. Cette épinette noire avait une
     vicieuse déviation dans le tronc. Le risque que l’arbre tombe mal et cause du
     ravage était grand. Il n’y avait rien de pire pour retarder une journée de
     labeur que la cime empêtrée d’un tronc tombé au mauvais endroit. Bien bûcher est
     un art. Cet ouvrage est loin de se résumer à assener de simples coups de hache à
    

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