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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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reprit :
    — Vous devez croire, mademoiselle, que j’ai eu de la chance de pouvoir immigrer
     et d’être resté en vie ? Mais se retrouver le dernier survivant d’une lignée ne
     rend pas heureux. C’est une calamité. À cette époque, j’ai souhaité avoir été
     exterminé moi aussi. La chance n’a jamais rien à voir avec la vie. C’est l’heure
     de votre mort, mademoiselle, qui est une question de chance ou de hasard. Par
     chance, vous l’évitez, par hasard, vous la croisez… Par chance, elle ne vient
     pas trop tôt… ou trop tard. La seule chance dans la vie, c’est de la
     posséder.
    Ils approchaient d’une intersection. L’homme leva les yeux vers un immeuble de
     l’autre côté de la rue. À la fenêtre, une femme leur fit un petit signe de la
     main. Yvette ne la vit pas. Les yeux au loin, elle murmura :
    — Matante Marie-Ange dit toujours que tant qu’il y a de la vie, il y a de
     l’espoir.
    L’homme libéra son bras.
    — Je suis rendu chez moi, mademoiselle.
    Avec une immense tendresse, il fit un petit geste de connivence à la femme de
     la fenêtre. Son épouse guettait ainsi son retour du travail chaque jour. Elle
     était beaucoup plus jeune que lui. Il bénissait le ciel qu’après la guerre, elle
     ait accepté d’unir sa vie à la sienne et d’avoir perpétué son nom. Son épouse
     lui avait donné deux filles et deux fils.
    — Votre tante a bien raison, mademoiselle, bien raison. C’est pourquoi il faut
     vénérer les femmes, les protéger, les entourer, les respecter, car elles sont
     les porteuses, les porteuses d’espoir.
    Il la salua courtoisement et traversa la rue. Une main sur son ventre, Yvette
     continua sa route.

    Pierre vécut la suite de cette journée comme dans un
     brouillard. Il avait si mal. Une douleur innommable le transperçait maintenant
     dans le côté droit. On l’avait aidé à s’étendre sur le divan du salon. Madame
     Langevin eut un hoquet de surprise en reconnaissant l’ancien homme engagé. Elle
     s’empressa de mettre dehors les autres bûcherons. Seul Mathieu resta. Se
     découvrant, il s’était présenté et avait expliqué qu’il était le frère de
     Pierre.
    René Poissan avait soulevé les vêtements du malade et appuyé en un endroit
     précis sur le ventre de celui-ci. Pierre hurla et se recroquevilla en chien de
     fusil. Le médecin se redressa en secouant la tête.
    — Hum… je n’aime pas bien ça… Depuis combien de temps est-ce qu’il est dans cet
     état ?
    — Au chantier, je dirais que ça fait presque deux jours qu’il va pas bien. Mais
     il a bûché toute la journée hier pareil. Pis à matin, y était paré à venir
     fêter.
    — Y a vraiment pas pris de boisson ?
    — Non, je peux le jurer. Il m’a dit qu’il avait un peu mal au cœur quand je lui
     ai demandé pourquoi.
    — Qu’est-ce qu’il a, René ?
    — Étendez-vous sur le dos, ordonna-t-il à Pierre.
    Cela lui fut pénible et il n’arriva pas à complètement étendre ses jambes. Une
     seconde fois, sans l’avertir, le docteur appuya dans le creux de son flanc
     droit. Pierre sacra sans retenue et se recroquevilla à nouveau, les genoux
     repliés sous son menton.
    — Il faut qu’il aille à l’hôpital, décréta le médecin.
    — C’est si grave ? s’inquiéta madame Langevin.
    Le docteur s’éloigna du patient.
    — Je ne vous cacherai pas que je ne suis même pas certain qu’il se rende à
     temps. Vous devriez faire venir le curé.
    Madame Langevin se signa.
    Le docteur prit Mélanie par la taille.
    — Nous, on doit y aller, chérie…, murmura-t-il. Bonnechance,
     dit-il à haute voix en s’adressant à Mathieu et à Pierre.
    Il remit son chapeau et se dirigea vers la porte d’entrée.
    Se rendant compte que la jeune femme ne le suivait pas, il se retourna et
     répéta d’une voix insistante :
    — Mélanie, il faut qu’on y aille.
    — Tu peux pas le laisser de même…
    — Je ne peux rien faire de plus, Mélanie. Viens, ça ne se fait pas être en
     retard aux noces de ma sœur !
    — Pouvez-vous me passer un cheval ? demanda Mathieu à madame Langevin. Je
     voudrais emmener mon frère à l’hôpital.
    Jeanne-Ida admira la détermination de ce Mathieu.
    — L’hôpital de Roberval, c’est le plus proche, mais à cheval c’est encore ben
     loin, fit-elle remarquer.
    — Y a un train qui part dans... quinze minutes…, dit Mélanie d’un ton anxieux
     après avoir regardé

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