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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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ses genoux. Elle tenait le bassin au cas où les nausées le
     reprendraient. Les quelques voyageurs qui étaient là avant eux leur avaient
     obligeamment laissé la place. Leurs regards curieux se posaient sur eux,
     essayant de deviner la cause du mal qui rongeait l’homme roux. Mélanie salua le
     vieux monsieur Pichette. Il avait rendez-vous chez un dentiste de Roberval pour
     essayer ses nouvelles prothèses, avait-il indistinctement aboyé, à moitié sourd
     et édenté.
    En face d’elle, Jeanne-Ida prenait place sur un autre banc avec les vieilles
     filles Dallaire. Les deux sœurs se tenaient droit et lançaient à Mélanie des
     regards désapprobateurs, trouvant bien inconvenant que la fille Langevin et cet
     homme, malade ou pas, se permettent tant de familiarité. Trois jeunes garçons et
     une fillette, les malcommodes enfants du couple Berthiaume, couraient partout,
     se chamaillant.
    — Ils m’ont tiré les tresses, avait pleurniché la petite Jeannette en se
     plaignant à sa mère.
    Impatiente, celle-ci lui avait répondu d’un ton sec :
    — T’as juste à rester tranquille pis sage.
    Leur père, qui lisait un journal, invita sa fille à venir le retrouver à côté
     de lui.
    — Pis fais ta bonne fille.
    Jeannette s’assit, la mine boudeuse, se contentant de balancer ses jambes
     d’avant en arrière tandis que ses frères jouaient aux Indiens et aux
     cowboys.
    Monsieur Wise, le Juif de Normandin (chaque village ou presque avait sa famille
     juive), restait à l’écart. Il devait se rendreà Roberval pour
     affaires, comme Mélanie savait qu’il en avait l’habitude. Les autres voyageurs
     étaient inconnus de la jeune fille. Il y avait le cuisinier d’un chantier qui
     rentrait chez lui et s’inquiétait de sa malle.
    — Je veux la garder avec moé dans le wagon, disait-il au gérant de la station.
     Mes chaudrons, c’est mon gagne-pain. Au chantier, je les laisse pas tout seuls
     deux minutes, pis quand je rentre en ville, ma malle voyage avec moé !
    Un commis voyageur s’avança :
    — Mesdames, en attendant, je peux vous montrer ma valise. J’ai les meilleures
     brosses en ville, de toutes les grosseurs !
    — On est pas intéressées, répondit sèchement une des sœurs Dallaire.
    — Attendez de voir mes brosses à plancher ! Des crins ben solides, ben
     drets !
    Et une jeune institutrice qui venait de décrocher son premier travail dans une
     école de rang suite à un poste qui s’était libéré s’exprima :
    — Je suis assez nerveuse, papa, disait-elle à l’homme qui l’accompagnait. Il
     faut pas que je sois en retard, je donnerais pas une bonne impression.
    Mathieu, le nez à la fenêtre, surveillait l’arrivée du train.
    Ils s’étaient dépêchés pour rien. Le gardien de la station, monsieur Laforce,
     les avait accueillis avec une mauvaise nouvelle. Le mauvais temps avait retardé
     le train.
    — Mais il neige pas si fort que ça ! s’était exclamé Mathieu.
    — Pas icitte encore, mais de par le sud, on voit pas à deux pouces, qu’ils
     m’ont dit. Pis la tempête s’en vient par chez nous.
    Ne pouvant rien faire d’autre qu’attendre, Mélanie et Jeanne-Ida avaient
     installé leur malade du mieux qu’elles pouvaient.
    — Pis la veste aux poches secrètes que tu m’avais fait coudre ? Tu peux pas
     savoir comment j’avais travaillé fort. Pis Chapeau,notre pauvre
     Chapeau qui avait été battu… J’me demande ce qu’il est devenu…
    Mathieu revint vers eux :
    — Chapeau, l’Indien ? Il a vécu une couple d’années chez nous sur la ferme de
     Saint-Ambroise.
    — Ah oui ?
    — Oui, il vient, il repart.
    Parler de sujets anodins tenait la peur sous contrôle. Tant qu’ils conversaient
     comme si de rien n’était, tout allait bien. Seul leur souffle saccadé trahissait
     leur angoisse de ne pas arriver à temps à l’hôpital.
    — Encore l’autre jour, il est venu nous dire bonjour au chantier, continua
     Mathieu.
    — Il avait un nouveau chapeau..., murmura Pierre.
    Soudain, Pierre se redressa. Il avait mal au cœur. Mélanie mit vivement le
     bassin devant lui. Après quelques respirations saccadées, Pierre vomit. Les
     enfants Berthiaume s’agglutinèrent autour de leur mère, impressionnés. Les
     vieilles filles sortirent un mouchoir et s’en recouvrirent le nez. La maîtresse
     d’école cacha un haut-le-cœur. La plupart des autres détournèrent le regard.
     Seul le cuisinier ne sembla

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