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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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pieds nus. Elle ressemblait à une fleur
     des champs, les petites violettes, les préférées de Pierre.
    — Mon nom est… Pierre… Rousseau.
    — Je sais ben, voyons. Mon frère, il me l’a dit que tu allais retontir un de
     ces jours. Moé, c’est Luce, la sœur de Roger.
    — Je le sais aussi…
    — T’as quelque chose pour nous autres de ben important, ça a l’air. Entre,
     reste pas dehors.
    Pierre avait beau commander à son cerveau d’avancer, ses pieds
     refusaient de bouger. Il s’en voulait tellement qu’il grimaça de gêne.
    Luce Picard sourcilla.
    — Coudonc, j’ai-tu quelque chose qui me pend au bout du nez, moé ?
    Pierre continua à la fixer, ne pouvant détacher son regard de ces yeux
     immenses, ce nez délicat, cette bouche rieuse, ce cou, ces épaules… cette
     poitrine…
    Elle gloussa.
    — Pour un futur curé, je trouve que t’as les yeux à bonne place des
     trous.
    Il rougit, mort de honte.
    — Si j’ai passé l’inspection, reprit-elle en riant, j’haïrais pas ça que tu te
     branches. Avec le frette qu’il fait dehors, je commence à geler tout rond dans
     l’entrée, moé là.
    Elle laissa la porte ouverte et s’éloigna dans un long corridor, assumant qu’il
     la suivrait. Ce qu’il fit du regard qui, à nouveau, ne put se détacher de ce
     dos, ces fesses… ces jambes… Par politesse, il retira ses chaussures et les
     corda bien soigneusement côte à côte près de la porte qu’il referma. Il hésita.
     La jeune femme avait disparu de sa vue. La maison était silencieuse. Timidement,
     il emprunta le corridor.
    — Je suis dans la cuisine, au fond ! fit la voix de Luce.
    Il la rejoint et la trouva assise de façon cavalière sur le bord du comptoir,
     se balançant les jambes en un mouvement enfantin mais qui dégageait une telle
     sensualité que Pierre resta, une fois de plus, cloué sur place. Il chercha sa
     respiration sous le sourire narquois de Luce. Pour se donner contenance, il
     pensa aux dollars.
    — Je vas vous donner tout de suite l’argent de Roger.
    Il retira sa veste et la retourna à l’envers. Sans le laisser paraître, Luce en
     profita pour étudier l’apparence physique de ce beaurouquin.
     Les muscles du bûcheron saillaient sous la chemise. Quel gâchis d’en faire un
     col blanc !
    Concentré, Pierre défit la couture secrète et sortit les liasses de billets de
     banque de leur cachette. La jeune fille sauta en bas de son perchoir et vint
     prendre des mains de Pierre la petite fortune donnée par son frère.
    — Y a 829 piastres, dit Pierre.
    — Ah ben ! le frère avait pas menti.
    Excitée, elle ouvrit une armoire, en sortit une boîte carrée de métal et y
     plaça l’argent.
    — Je le croyais pas trop quand il m’a dit ça. Ça va faire du bien, c’t’argent,
     je te le jure !
    Elle remit la boîte à sa place et se retourna vers Pierre.
    — Votre frère m’a ben gros parlé de vous, dit-il pour meubler le silence.
    — Ah bon ! il t’a-tu dit qu’il me traite de pichou ?
    — De pichou ?
    — Ouais, il dit que je suis laitte comme un pichou.
    En jouant la coquette, elle lui demanda avec un air faussement inquiet :
    — Tu trouves-tu que c’est vrai, que je suis pas belle ?
    Pierre sentit la sueur perler à son front. Elle se tenait si près de lui qu’il
     devait faire un effort inhumain pour ne pas plonger son regard dans ce décolleté
     qui offrait une vision de fruits défendus.
    Luce ne douta pas un instant de sa beauté, pas plus qu’elle n’attendait
     vraiment de réponse. Elle adorait faire perdre ses moyens ainsi à un garçon.
     C’était son jeu favori. Ce Pierre Rousseau l’intriguait. La rare couleur de ses
     cheveux et son désir de prêtrise augmentaient le défi.
    — Il faut fêter ce cadeau du ciel, je nous sers à boire ! décréta-t-elle en
     partant à la recherche d’une bouteille de boisson.
    Pierre ne savait plus quelle attitude adopter. Il n’avait jamaisrencontré une fille si délurée. D’ailleurs, il n’avait jamais vraiment été
     seul avec une fille tout court.
    — Votre père est pas là ?
    — Le bonhomme a sacré le camp, dit-elle en relevant la tête de sous l’évier en
     brandissant victorieusement un flacon brun.
    — Ah…
    — Ça fait ben deux semaines.
    Elle déposa deux verres sur la table et les remplit à ras bord.
    — Un matin, il s’est levé pis y a dit qu’il pouvait plus vivre avec la honte
     pis que lui, il

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