Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
laverait le nom des Picard. Y est allé s’enrôler.
    — Hein ? Votre père s’est engagé ?
    Elle partit à rire et tendit un des verres à Pierre.
    — C’est ce que le bonhomme dit ! Trinquons à mon petit frère, ajouta-t-elle en
     entrechoquant les verres.
    Pierre goûta à l’alcool.
    Luce continua à bavarder.
    — Je suis ben certaine que mon père est à Québec pis s’il s’est engagé quelque
     part, c’est entre les jambes d’une femme !
    À ses paroles, Pierre cracha la gorgée qu’il s’était décidé à avaler.
    — Ouais, tu serais-tu une petite nature par hasard ? dit-elle en calant d’un
     air de défi son verre en entier.
    — Le père va revenir dans pas grand temps, ajouta-t-elle. Y va gueuler un bon
     coup pis après... Y va s’en remettre que mon frère soit un déserteur. Cher
     frérot, y a jamais été capable de voir une goutte de sang sans perdre
     connaissance. En attendant, la soirée est jeune, pis on a de quoi fêter !
    Elle reversa à boire.
    — Non, non, refusa Pierre. Il faut que je m’en aille.
    Pierre était vraiment mal à l’aise.
    — Allons, juste un petit dernier, pour m’accompagner.
    Pierre accepta et vida son verre avant de le tendre à Luce.
     Ravie, elle essaya de garder un peu de retenue. Elle avait été trop loin dans
     ses paroles grivoises tout à l’heure, elle l’avait senti. Il ne fallait pas
     qu’elle l’effarouche. Elle jouait à un jeu défendu et dangereux, elle le savait
     et cela rendait le tout encore plus excitant. Elle avait promis à son père de se
     choisir un mari. Elle prétextait la guerre pour retarder ce choix. Le problème,
     c’est qu’elle n’avait pas envie de se lier à un seul homme. Elle adorait se
     faire admirer, courtiser. Elle aurait voulu butiner mais sans s’attacher à
     aucun. Son oncle travaillait au quai du village pour une compagnie de bateaux de
     croisière. Si elle se mariait, elle ne pourrait plus se laisser siffler par ces
     matelots qui descendaient à terre ou que son oncle ramenait le temps d’une
     permission. Elle devrait refuser les œillades, les mains baladeuses. Elle ne
     pourrait plus aller se cacher dans la cabane abandonnée d’un vieux pêcheur et
     gémir sous les mains calleuses de ces fringants marins qui lui juraient que
     jamais ils n’avaient vu de femme plus belle qu’elle. Personne ne l’avait assez
     aiguillonnée pour la ravir. Il y avait bien le fils du notaire qu’elle
     repoussait mais qui lui promettait mer et monde, précisant qu’il avait des
     intentions honnêtes envers elle, mais elle ne pouvait se résoudre à accepter
     d’engagement malgré les avertissements de son père qui la menaçait qu’un jour,
     elle allait perdre sa réputation et qu’elle ne serait plus mariable. Peut-être
     que ce rouquin serait celui qui la déciderait à se ranger, si elle réussissait à
     le détourner de sa vocation… Elle devait changer de tactique et être plus
     prudente. Ce jeune homme ne s’allumait pas aussi facilement que ces marins que
     seul un frôlement de buste ou une parole crue incendiait. Elle retourna se
     jucher sur le comptoir et reprit sa pose antérieure. Elle savait qu’à chaque
     balancement de jambes, elle laissait deviner l’intérieur de ses cuisses.
    — Comme ça, tu veux être un curé ? lui demanda-t-elle à brûle-pourpoint.
    — Oui, en revenant de Tadoussac, je vas aller demander à
     rentrer chez les trappistes.
    — C’est quoi ça, des trappistes ?
    — Ce sont des moines qui consacrent leur vie à la prière pis au travail de la
     terre.
    À nouveau, Pierre essaya de s’esquiver.
    — Je crois qu’il faudrait vraiment que je vous laisse, mademoiselle, dit-il en
     se levant.
    Elle redescendit du comptoir, mais fit semblant de perdre l’équilibre et alla
     s’accrocher aux épaules de l’homme.
    — Excuse-moé, dit-elle d’une petite voix, je suis pas habituée à boire…
    — Vous seriez peut-être mieux de vous asseoir sur une chaise ?
    Imitant la fille un peu ivre, elle le pointa de son index :
    — Juste si tu me tutoies.
    — Si… si tu veux...
    — À la santé de mon frère, caché, mais vivant ! fit-elle en vidant la bouteille
     dans leurs verres.
    — Oups, y en a plus…, se désola-t-elle.
    Pierre essaya de faire un effort de mémoire afin de connaître l’âge de la jeune
     fille. Elle était plus jeune que Roger, cela il en était certain. Elle devait
     avoir dix-huit ans, se

Weitere Kostenlose Bücher