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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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dit-il. Physiquement, elle n’avait aucun défaut. Il
     secoua le brouillard qui s’était levé si soudainement dans son cerveau. Il
     devait trouver la force de se lever, de fuir la chaleur torride de la pièce,
     l’effet étourdissant de l’alcool ; fuir le parfum tout féminin, un parfum de
     fleurs des champs, fleur si tentante à cueillir ; la cueillir pour en baiser
     chaque pétale, pétales qui devaient être si doux, si doux…
    — Je vas aller chercher une autre bouteille, décréta Luce.
    La jeune fille tituba et perdit l’équilibre. Elle s’arrangea pour tomber le
     plus gracieusement possible sur les genoux de l’ami de son frère. Pierre voulut
     la repousser, comme si sa présence lebrûlait. Elle passa les
     bras autour de son cou. Enfin, un homme qui lui tenait tête...
    — Luce, il faut vraiment que je parte, là.
    — Mon frère va me chicaner s’il apprend que je t’ai pas reçu comme du monde.
     Dans ses lettres, il m’a parlé de toé sous toutes les coutures. Je t’ai reconnu
     tout de suite.
    Avec douceur, elle passa la main dans les cheveux de Pierre.
    — Les cheveux rouges, murmura-t-elle, une petite cicatrice sur le coin de la
     bouche…
    — Non, non, Luce… arrête…
    Sans prendre en considération sa supplique, elle continua son petit jeu de
     séduction.
    — … pis qu’on t’appelle le Curé.
    Elle appuya son front sur celui de Pierre.
    — Pardonnez-moé, mon père, j’ai des pensées impures... des pensées d’un homme
     pis d’une femme faisant des choses ensemble...
    Elle prit la main de Pierre et la déposa sur sa cuisse, sous la jupe qui
     s’était relevée, sur sa chair nue… Sans plus réfléchir, il succomba à ses
     instincts. Il embrassa fougueusement la jeune fille. Il était maladroit, c’était
     son premier baiser. Luce fut déçue. La bouche de Pierre écrasait trop la
     sienne : leurs dents se cognèrent entre elles. Pierre avait les sens en feu. Sa
     main alla se déposer sur un des seins de Luce. Pendant quelques secondes, il se
     contenta de sentir la forme ronde sous ses doigts. Luce décida de jouer encore
     un peu, rien qu’un petit peu. À son tour, elle alla déposer sa main sur
     l’entrejambe de Pierre. Cela fut instantané. Pierre jouit dans son pantalon, là,
     comme ça, assis sur une chaise de cuisine, avec une fille sur ses genoux qu’il
     ne connaissait même pas voilà une heure à peine. Honteux, gêné de sa conduite,
     il repoussa Luce, cette fois, sans qu’elle puisse s’y opposer.
    Il remit sa casquette, sa veste, balbutia quelques platitudes et sesauva littéralement par la porte. Il marcha longuement,
     essayant de remettre un peu d’ordre dans ses idées. Ses pas le dirigèrent vers
     l’église et son presbytère. Il y demanda l’asile. On le reçut avec gentillesse.
     Pierre se retira dans sa chambre et pria. Bouleversé, il essayait de s’expliquer
     comment il avait pu agir comme une bête. Il allait devenir moine ! Sa mère lui
     disait pourtant de se méfier de la boisson.
    « Sur un estomac vide en plus ! J’avais pas mangé de la journée... »
    Il s’endormit très tard en se promettant de s’en retourner à Saint-Ambroise dès
     l’aube et d’oublier cet honteux incident.

    Le lendemain, il ne put se résoudre à quitter Tadoussac. C’était plus fort que
     lui, il devait la revoir, la toucher de nouveau... Très tôt, il tourna comme un
     malfaiteur autour de la maison des Picard. De loin, caché derrière un arbre, le
     jour à peine levé, il la vit sortir, tout ensommeillée, un peu taciturne,
     portant la même robe que la veille, mais recouverte d’une veste de laine et avec
     des chaussures aux pieds. Il la suivit, tel un voyou, jusqu’à la boulangerie du
     village. Elle s’engouffra dans la boutique. Pierre attendit impatiemment qu’elle
     en ressorte avec ses achats, mais le temps passa et il ne vit plus aucun signe
     de la belle. Les clients se mirent à arriver. Il se décida et entra à son tour.
     Derrière le comptoir, Luce, revêtue d’un tablier, servait, d’un air las, une
     dame d’un certain âge. Elle travaillait là. Cela expliquait tout. À sa vue, elle
     lui lança un regard interrogateur. Luce était convaincue de ne jamais revoir
     l’ami de son frère. Voilà qui la surprit. Voyons voir jusqu’où le jeu pouvait la
     mener...
    — Monsieur Rousseau, dit-elle, un beau sourire avenant sur son visage. Tenté
     par une brioche au sucre pour

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