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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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déjeuner ?
    — Oui merci. Je... Je voulais juste vous dire au revoir avant
     de m’en retourner.
    — Ben, au revoir, dit-elle, avant de crier à l’adresse de son patron :
     « J’finis ben à trois heures cet après-midi, hein ? »
    — Ben oui, Luce, comme d’habitude, s’étonna l’homme en train d’apporter une
     longue planche remplie de pains.
    Sans plus se préoccuper de son client, Luce se mit à fredonner tout en
     nettoyant son comptoir. Pierre quitta la boulangerie.
    À la sortie de son travail, cette fois, Luce s’imaginait apercevoir un jeune
     homme l’attendant impatiemment. Mais Pierre lui répéta la minable excuse qu’il
     s’était inventée pour prétexter le report de son départ.
    — Je... j’ai promis à ma mère de lui faire des commissions.
    — Ici à Tadoussac ? Je vois pas ce qu’elle a pu te demander qu’a trouverait pas
     à Chicoutimi ! Allez, fais pas cette tête. Viens, je vas te faire visiter le
     village, pis on s’arrêtera chez mon oncle.
    Le reste de la journée se passa comme un enchantement. Luce l’emmena au quai.
     Ils marchèrent sur les cailloux de la berge. Cela ne semblait pas déranger la
     jeune fille de se promener seule avec un garçon aux yeux de tout le village.
     Pierre se dit que les mœurs changeaient. Avec la guerre, tout avait été
     bouleversé. Le soleil était revenu. En cette belle journée, le printemps tint
     parfaitement son rôle de saison des amoureux.
    Pierre buvait les paroles de la jeune fille, la détaillait des yeux, ne se
     lassait pas de sa beauté. Après avoir marché le long de la rive et s’être
     éloigné de toute habitation, il la poussa dans un coin tranquille et l’enlaça
     avant de l’embrasser furieusement. Sa main retrouva bien vite le chemin du
     corsage. Luce le laissa tâter et pétrir sa poitrine. Cela ne lui plaisait pas
     plus qu’il ne fallait, mais elle fit semblant d’apprécier. En riant, elle se
     décida à le repousser. Devant l’air déçu d’un petit garçon perdant son jouet,
     elle lui fit une caresse sur la joue en lui disant :
    — Oh, Pierre ! mon petit curé aux mains baladeuses.
    — Appelle-moi pas de même...
    Fâché, bien plus envers lui que du quolibet de Luce, il alla au bord de l’eau.
     Il grimpa sur un rocher et se tint en équilibre sur le rebord.
    Luce vint derrière lui et lui cria :
    — Tu m’attraperas pas ! avant de partir à courir, sautant de rocher en
     rocher.
    Elle tenait ses souliers à la main et son rire se mêlait au bruit des vagues se
     fracassant sur la grève. Pierre oublia tout et se mit à la poursuivre.
    Toute la semaine, le même manège eut lieu. Seuls les endroits pour lui dérober
     des baisers et des caresses changeaient. Une fois dans le petit bois, une autre
     dans une anfractuosité de rocher, l’autre dans un champ. Le vendredi suivant,
     elle l’entraîna dans une cabane de pêcheur.
    — C’est abandonné depuis des années. Le vieux a dû se noyer, on l’a jamais
     revu, lui pis sa barque.
    Cette journée-là, elle portait une longue robe qui avait des boutons du cou
     jusqu’en bas. Un à un, il se mit à les déboutonner. Désirant de tout son corps
     aller plus loin et la faire sienne, il lui posa la question qui lui brûlait les
     lèvres et dont il avait pris la décision la nuit dernière en abdiquant, à genoux
     devant un crucifix dont la nudité du Christ le laissait froid tandis que la
     seule pensée de celle de Luce le faisait trembler.
    — Luce, veux-tu te marier avec moi ?
    Elle se recula subitement. Tout en réajustant ses vêtements, elle
     murmura :
    — Marier un curé, c’est pas catholique ça.
    Pierre la reprit dans ses bras.
    — Fais pas des farces, Luce, je suis sérieux. Je pense que c’est clair que je
     suis pas fait pour être un curé, ni moine... Pas depuis que je t’ai rencontrée.
     Tu as tout changé, Luce. Tu... tu me vires les sens à l’envers…
    Luce le regarda. Elle hésita. Au lieu de répondre, elle lança
     son habituel :
    — Tu m’attraperas pas ! avant de sortir de la cabane.
    Pierre ne courut pas après elle. Il resta pantois. Elle se retourna et lui
     cria :
    — T’auras ma réponse demain. Viens me chercher après la job !
    Pierre sourit. Il devait trouver une bague d’ici là.

    À la sortie de la boulangerie, Pierre, nerveux, faisait le pied de grue, un
     bouquet de fleurs des champs dans les mains. Enfin, sa dulcinée apparut. Elle le
    

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