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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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ainsi :
    — Ce que j’aimerais savoir, c’est si cette initiative de nous jeter sur ce rocher vient de la junte de Palma ou des Anglais, et si la première souhaitait seulement nous éloigner ou les seconds nous éliminer purement et simplement !
     
    Nous passâmes, Édith, Auguste et moi, la journée du lendemain, après avoir dormi sous un caroubier, à rechercher un lieu propice à construire un abri.
    Après une longue errance, par une chaleur qui sentait l’orage, nous jetâmes notre dévolu sur un espace de terrain plat, sous un amoncellement de rocaille, de l’autre côté de la baie mais à peu de distance du port, par souci de commodité. Il restait d’une précédente occupation des soubassements envahis d’une végétation sauvage qu’il allait falloir éliminer avec des instruments empruntés au magasin.
    Auguste et moi nous sommes mis au travail dans l’heure qui a suivi, en évitant à Édith, débarrassée de son fœtus peu avant de débarquer et dont la santé nous donnait des inquiétudes, l’épreuve épuisante du débroussaillage. Notre ration d’eau baissait à vue d’œil et la soif nous séchait la gorge au point que nous avions du mal à nous exprimer.
    Dans une crique de la cala Grebeta, nous avons eu la chance de découvrir les débris d’une grande barque qui allaient nous servir à fabriquer des cloisons étanches que plus tard nous consoliderions avec un recouvrement de pisé.
    Nous n’étions guère inquiets quant au matériel de cuisine et de table, la junte nous en ayant pourvus.
    Des groupes de prisonniers, plutôt que d’entreprendre une construction, avaient choisi de se retirer dans les grottes et les abris sous roche qui abondaient dans cette île. Ils allaient y constituer des sortes de tribus et y vivre comme les hommes de la préhistoire, dans une relative indépendance. Nous avions sur eux l’avantage de nous trouver à proximité du port. Rien d’important ne pourrait s’y produire sans que nous en soyons immédiatement informés.
    Nous mîmes trois jours pour édifier cette cabane qu’Édith tint à baptiser la Malmaison, du nom de la demeure de Joséphine, épouse de Napoléon. Je gravai ce nom au fer rouge sur une planche fixée au-dessus de rentrée. Cette bicoque n’avait pas belle allure, mais au moins le mérite de nous offrir un refuge contre la fraîcheur de la nuit, la chaleur du jour et les intempéries. Robinson s’en fût satisfait…
    Cette cohabitation à trois exigeant une séparation durant la nuit, nous dressâmes des cloisons de planches pour la diviser : une chambre pour Auguste et l’autre pour Édith et moi, son mari. Avec des morceaux de toile récupérés sur l’épave, nous fabriquâmes des paillasses de genêt et de fougère qui présentaient l’avantage de nous épargner la présence de la vermine ordinaire. Nous passâmes une journée à confectionner une table et des bancs grâce aux pointes et à la scie empruntées au magasin installé à l’amirauté.
     
    Édith, émoustillée par notre installation, se remit assez vite de sa fausse couche.
    — C’était un garçon, comme je l’avais espéré, me dit-elle, et auquel j’avais prévu de donner le nom de mon défunt mari : Victor. Je ne regrette pas de l’avoir perdu. De toute manière, il n’aurait pu supporter l’existence qui nous attend. De plus, nos routes divergeront au moment de quitter cette île. Tu vas retrouver ta famille et moi la mienne…
    Notre entretien fut interrompu par l’arrivée d’Auguste. Il rapportait de la distribution de vivres des pochons de lentilles, de fèves, de riz, ainsi qu’une grosse calebasse d’eau de Majorque que nous aurions vidée sur-le-champ si nous n’avions eu la sagesse de l’économiser.
    Il nous lança, d’un air faussement réjoui :
    — Menu du souper : un  toyina , un poisson que je suis parvenu à acheter non sans mal à un pêcheur au refugio de los Pescadores, au bas des falaises. Nous y ajouterons un plat de riz et, en guise de dessert, trois belles oranges de Palma ! Quant au vin, nous devrons nous en passer. En revanche, nous souperons à la chandelle, comme dans les grands restaurants de Paris…
    Il sortit de son havresac une longue tige de résine qu’il s’était procurée au magasin.
    À la tombée de la nuit, alors qu’Édith s’occupait d’une vaisselle prestement expédiée, Auguste me

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