Les Rapines Du Duc De Guise
ses intérêts ! Il ne nous fera pas de cadeaux.
— Ce Salvancy pourrait trépasser, suggéra
François Caudebec avec un mauvais sourire. Déjà, le rapinage des tailles
cesserait…
— Il n’a sans doute pas organisé une
telle entreprise tout seul. S’il meurt, quelqu’un le remplacera, répliqua
Charlotte.
— Et tuer cet homme ne rendra pas l’argent
au roi, compléta Cassandre.
— Tu as une meilleure idée ? lui
demanda son père.
— Si on pouvait prouver que ce Salvancy
détourne les impôts du royaume, il serait possible de lui faire peur et, en
échange de notre silence, de le contraindre à nous remettre sa fortune mal
acquise, suggéra-t-elle.
— C’est une vue de l’esprit, Cassandre !
la morigéna Charlotte en haussant les épaules. Comment prouver sa culpabilité ?
Nous sommes à Figeac et il est à Paris. Nous ignorons tout de la façon dont il
s’y prend. D’ici, on peut peut-être décider de sa mort, mais rien de plus.
— Il faut donc que l’un de nous se rende
à Paris, répondit Cassandre d’une voix assurée. À la fois pour mettre cet homme
hors d’état de nuire, et pour lui prendre l’argent qu’il a volé afin de le rapporter
à Mgr de Navarre.
— C’est ce que je m’étais dit, soupira
son père en hochant la tête, mais je ne peux m’absenter en ce moment où j’attends
monseigneur. Et Caudebec ne pourrait y aller seul. Je vais en parler à Henri à
son arrivée, peut-être aura-t-il quelque gentilhomme à me prêter.
— Pourquoi pas moi ? s’enquit
Cassandre en se levant.
— Toi ? s’étonna Charlotte. Aller à
Paris seule ? Tu n’y penses pas, avec tous ces dangers !
— J’en ai assez de la cour de Nérac et de
ses coucheries ! s’exclama la fille de Mornay. J’en ai assez de m’ennuyer
à Montauban pendant que vous vous battez pour notre foi ! Je veux être
utile… mes parents ont été assassinés par des catholiques qui soutenaient le
duc de Guise… il faut que je fasse quelque chose, pour leur mémoire. Je n’ai
aucune estime envers Henri III qui a approuvé la Saint-Barthélemy, mais j’ai
enfin l’opportunité de faire du tort au Lorrain en découvrant comment Salvancy
vole le trésor public.
— Tu oublies que tu es une femme, ma
fille ! répliqua Charlotte en haussant les épaules. Tu crois que, parce
que tu tires à l’épée, tu peux te conduire comme un homme ?
— Il y a eu dans cette guerre bien des
femmes plus valeureuses que les hommes, madame. Madeleine de Miraumont a
défendu son château en armure et l’épée au poing, c’est même elle qui
conduisait ses hommes au combat [17] . Claude de La Tour a agi de la même façon, pourquoi pas moi ?
Mornay ne disait rien, comme abîmé dans ses
réflexions. Cassandre avait raison. Il lui avait appris tout ce qu’il savait.
Elle était perspicace, parfaitement capable de découvrir la vérité, elle avait
les capacités d’un homme d’action, et surtout elle avait sa confiance. Certes, le
voyage serait dangereux, mais si François Caudebec l’accompagnait avec les
Suisses, ils pourraient la protéger.
— Supposons, fit-il en levant une main, supposons,
que j’accepte ton idée et que François t’accompagne… que ferais-tu à Paris ?
Cassandre laissa éclater sa joie.
— Père ! Vous me laissez y aller ?
— J’ai dit : supposons ! Et tu
ne m’as pas répondu.
— C’est pure folie ! protesta
Charlotte en secouant la tête.
— J’irai chez Sardini, il m’en dira plus,
après quoi je tâcherai de m’introduire auprès de ce Salvancy. Je tenterai de
découvrir comment il s’y prend, de trouver son point faible, peut-être de lui
faire peur…
— Il y aura de rudes adversaires dans l’ombre,
Cassandre. Si M. Salvancy détourne cet argent pour le duc de Guise, ce n’est
pas à un simple receveur des tailles que tu vas t’attaquer, mais à toute l’organisation
guisarde.
— Philippe, sois raisonnable ! intervint
Charlotte. Admettons que Sardini veuille héberger Cassandre, tout Paris saura
vite que c’est ton enfant. Comment la fille de celui qu’on surnomme le pape des
huguenots [18] pourrait-elle conduire une enquête dans cette maudite ville catholique ?
— Elle pourrait ne pas être ma fille !
suggéra Mornay, après avoir digéré la remarque un instant. Cassandre parle
parfaitement italien, comme Caudebec. Accompagnés de Hans et Rudolf, ils
pourraient faire croire qu’ils arrivent d’Italie.
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