Les Rapines Du Duc De Guise
de
plusieurs rangs de tableaux ainsi que de grandes tapisseries des Flandres dont
l’une représentait le triomphe de Scipion. Le plafond était peint avec des
écussons à devises. Trois fenêtres à colonnes de marbre, malheureusement
gâchées par de lourdes grilles, ouvraient sur la campagne.
Un homme à la longue barbe grise taillée en
pointe était assis à une grande table protégée d’un drap de damas à franges. Il
paraissait consulter un dossier devant lui. Un secrétaire se tenait à une
seconde table, plus petite, avec derrière lui une armoire à deux corps en noyer
aux vantaux sculptés de figures nues.
Une femme blonde, en robe de velours noir à
manches ballonnées, leur tournait le dos, parlant à un troisième individu à la
fine moustache, qui faisait donc face aux visiteurs. Ce dernier personnage
était tout en noir et d’un aspect plutôt terne. Sans doute était-ce un commis
ou un clerc.
L’homme à la longue barbe avait la soixantaine
et de profondes ridules marquaient son visage autour de ses yeux. Plissant le
front, il jeta aux arrivants un regard inquisiteur. Coiffé d’une calotte de
feutre ornée d’un diamant, il portait sur son pourpoint noir à boutons dorés
une sorte de gilet en fourrure de renard ainsi que deux lourdes chaînes d’or. Ses
doigts portaient tous des bagues dont l’une avec un gros rubis.
— Monsieur le baron, votre nièce vient d’arriver,
accompagnée par Hans et Rudolf, annonça l’officier d’un ton neutre.
Celui dont on ne pouvait douter qu’il fût
Scipion Sardini resta impassible alors qu’on lui parlait ainsi d’une nièce dont
il ignorait l’existence. Il continua à dévisager les nouveaux venus en plissant
simplement un peu plus le front, comme pour essayer de comprendre ce qui se
passait. En revanche, la femme s’était retournée aux premiers mots de l’officier.
Bouclée en frisons, avec des yeux bleus très
clairs, elle avait un front élevé et fort large, un nez long et arrogant. Son
visage, d’un bel ovale mais marqué par les fines ridules de l’âge, affichait sa
stupéfaction.
— J’ignorais que vous eussiez une nièce, mon
ami, fit-elle d’un ton incrédule, légèrement aigu. Votre frère n’a que des
garçons, que je sache…
— C’est la fille de mon demi-frère, expliqua
alors Sardini en contournant la table pour s’avancer vers Cassandre en lui
tendant affectueusement les bras.
— Mio zio ! fit Cassandre, en
faisant quelques pas sur un tapis de soie avant de s’agenouiller devant lui
avec respect.
— Comment se nomme-t-elle ? demanda
la femme avec un je-ne-sais-quoi de dédain.
— Cassandra, signora, répondit la
fille de Mornay sans laisser le temps à Sardini d’inventer.
— Cassandre ?
— Jacques, Martial, laissez-nous ! ordonna
sèchement Sardini.
Les deux disparurent promptement par une porte
du fond. L’officier qui avait fait entrer les visiteurs était aussi sorti et
avait refermé la porte derrière lui.
— J’ai envoyé Hans et Rudolf à M. de Mornay,
pas en Italie, déclara Sardini à Cassandre et à François Caudebec, comme s’il
attendait des explications.
Cassandre n’avait pas prévu que les choses se
passent ainsi, elle hésita une seconde en se mordillant les lèvres avant d’expliquer
en français :
— Je suis sa fille, monsieur le baron.
La femme fit quelques pas vers elle alors que
flottait sur ses lèvres un sourire à la fois énigmatique et moqueur. Elle avait
une démarche souple, féline, sûre d’elle.
— Mon épouse, Isabeau, expliqua Sardini, en
la désignant avec nonchalance. Je n’ai aucun secret pour elle. Et vous, monsieur,
qui êtes-vous ?
— François Caudebec, capitaine d’armes de
M. de Mornay, monsieur le baron.
Le silence dura quelques secondes. Isabeau
dévisageait toujours Cassandre avec une expression singulière, comme pour la
jauger.
— Mon père a reçu votre lettre, monsieur
Sardini, déclara enfin Cassandre d’un ton égal. Il vous remercie et m’a envoyée
pour en savoir plus. Il m’a aussi remis ce message pour vous.
Elle sortit le pli d’une poche de son manteau
et le lui tendit.
Sardini le prit, fit sauter le cachet après l’avoir
examiné un instant, puis il s’approcha de la plus proche fenêtre pour lire la
missive. Quand il eut terminé, il revint vers son épouse, lui tendit la lettre
pour qu’elle la lise et demanda à Cassandre d’un ton sarcastique :
— Que comptez-vous faire
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