Les refuges de pierre
raisin ne pousse pas bien du tout, mais nous avons eu un
hiver clément voilà quelques années, et à l’automne suivant les grappes étaient
grosses, très juteuses, sucrées mais pas trop. J’ai ajouté des baies de sureau
et des mûres, pas trop non plus. Ce vin a été très apprécié. Il est un peu plus
fort que d'habitude. Il ne m’en reste pas beaucoup.
Ayla huma l’arôme fruité en portant la coupe à ses lèvres. Le
liquide avait un goût aigrelet auquel elle ne s’attendait pas après l’avoir
reniflé. Elle retrouva la brûlure de l’alcool qu’elle avait sentie pour la
première fois avec la bière de bouleau fabriquée par Talut, le chef du Camp du
Lion, mais le breuvage de Marthona ressemblait davantage au jus d’airelles
fermenté des Sharamudoï, qui était rependant plus sucré dans son souvenir.
Elle n’avait pas aimé la morsure de l’alcool quand elle en avait
fait l’expérience pour la première fois, mais tous, au Camp du Lion, semblaient
beaucoup apprécier la bière de bouleau ; alors, pour s’intégrer au groupe,
elle s’était forcée à en boire. Au bout d’un certain temps, elle s’y était
habituée, tout en soupçonnant les autres d’aimer la bière non pas tant pour son
goût que pour l’impression forte, quoique déconcertante, qu’elle provoquait. En
boire trop lui tournait la tête et la rendait trop amicale, mais d’autres
devenaient tristes ou furieux, voire violents.
Ce vin-là avait cependant quelque chose en plus et Ayla pensa qu’elle
pourrait apprendre à l’apprécier.
— Il est très bon, dit-elle. Je n’ai goûté jamais... je n’ai
jamais rien goûté de tel, se corrigea-t-elle, un peu gênée.
Elle se sentait à l’aise avec le zelandonii, la première langue
parlée qu’elle eût entendue après avoir vécu avec le Clan. Jondalar la lui
avait apprise alors qu’il se remettait des coups de griffe d’un lion. Même si
elle éprouvait encore des difficultés avec certains sons – malgré
tous ses efforts, elle ne parvenait pas à bien les prononcer –, elle
commettait rarement de telles erreurs dans l’ordre des mots. Elle jeta un coup
d’œil à Jondalar et à Marthona, mais ils n’avaient apparemment rien remarqué.
Elle se détendit, regarda autour d’elle.
Ayla était entrée et sortie plusieurs fois sans examiner la
demeure de Marthona. Elle prit cette fois le temps de le faire avec attention
et fut tour à tour étonnée et ravie. C’était une construction intéressante,
semblable à celles qu’elle avait vues dans la grotte des Losadunaï, avant de
traverser le glacier du haut plateau.
Les deux ou trois premiers pieds des murs extérieurs étaient en
calcaire. Des blocs assez gros avaient été grossièrement équarris et placés de
chaque côté de l’entrée, mais les outils des Zelandonii ne permettaient pas de
tailler la pierre avec habileté. Le reste des murs était constitué de pierres
brutes. Elles avaient à peu près toutes les mêmes dimensions – deux
ou trois pouces de large, un peu moins en profondeur, de dix à douze pouces de longueur – mais
des pierres plus grosses et plus petites étaient ingénieusement imbriquées en
une structure serrée.
On mettait de côté des pièces en forme de losange, on les
classait par taille puis on les disposait côte à côte dans le sens de la
longueur. Les murs épais étaient formés de couches superposées dans lesquelles
chaque pierre se logeait dans les creux laissés par les pierres de la couche
inférieure. On ajoutait parfois des petites pierres pour combler les trous, en
particulier autour des gros blocs de l’entrée.
Les pierres dessinaient un léger encorbellement, chaque couche
dépassant quelque peu la précédente. Les pierres étaient choisies et disposées
avec soin pour que leurs irrégularités contribuent à l’écoulement de l’humidité
extérieure : pluie poussée à l’intérieur de l’abri par le vent, brouillard
ou neige fondue.
Il ne fallait ni mortier ni boue pour boucher les trous ou
renforcer la structure. La rugosité du calcaire empêchait les pierres de
glisser ; elles tenaient en place par leur propre poids et pouvaient même
accueillir une poutre de genévrier ou de chêne, insérée dans le mur pour
soutenir d’autres éléments de construction ou des étagères. Les pierres s’imbriquaient
si parfaitement qu’elles ne laissaient passer aucun rai de lumière et qu’aucune
rafale de vent hivernal n’y
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