Les refuges de pierre
Elle filait au-dessus d’un paysage de prairies
et de montagnes, de forêts et de rivières, de grandes mers intérieures et de
vastes steppes herbeuses, et de la profusion d’espèces animales que ces
habitats accueillaient.
Les autres étaient avec elle, se laissaient mener. Jondalar
était le plus proche, et Ayla sentait sa présence, mais aussi celle de la
puissante doniate. Celle de l’autre femme était si faible qu’elle la remarquait
à peine. Ayla les conduisit directement au défilé sans issue, dans les steppes
de l’Est.
— C’est l’endroit où je l’ai vu, dit-elle. De là, je ne
sais plus où aller.
— Pense à Thonolan, appelle son esprit, dit Zelandoni à
Jondalar.
— Thonolan ! Thonolan ! s’écria-t-il. Je le sens.
Je ne sais pas où il est mais je le sens.
Ayla eut une vision de son compagnon avec quelqu’un d’autre,
sans pouvoir distinguer qui. Elle sentit d’autres présences, d’abord
quelques-unes, puis un grand nombre, qui les appelaient. De la foule, deux se
détachèrent... non, trois. L’une d’elles portait un nouveau-né.
— Est-ce que tu voyages, est-ce que tu explores toujours,
Thonolan ? dit Jondalar.
Ayla n’entendit pas de réponse mais perçut un rire et eut
ensuite le sentiment d’une infinité d’espaces à parcourir et de lieux où aller.
— Jetamio est avec toi ? continua Jondalar. Et son
enfant aussi ?
Là encore, Ayla ne put discerner les mots mais sentit une vague
d’amour émanant de la forme diffuse.
Ce fut alors la Première qui s’adressa par ses pensées à l’élan
du mort :
— Thonolan, je connais ton goût pour les voyages et l’aventure.
Mais la femme qui est avec toi veut retourner à la Mère. Elle t’a suivi
uniquement par amour mais elle est prête à partir. Si tu l’aimes, va les
chercher, elle et l’enfant. Il est temps, Thonolan. La Grande Terre Mère te
réclame.
Ayla perçut de la confusion, un sentiment d’être perdu.
— Je te montrerai le chemin, promit la doniate. Suis-moi.
Ayla se sentit entraînée avec les autres au-dessus d’un paysage
qui lui aurait paru familier si les détails n’en étaient pas aussi flous et s’il
ne commençait pas à faire sombre. Elle s’agrippait à la chaude main, à sa
droite, et sentait, à gauche, une main qui pressait fébrilement la sienne. Une
lumière éclatante apparut devant eux, au loin, comme un grand feu, et s’intensifia
à mesure qu’ils approchaient. Ils ralentirent.
— D’ici, tu peux trouver ton chemin, affirma Zelandoni.
Ayla sentit le soulagement des élan puis la séparation. L’obscurité
les cerna ; en l’absence totale de lumière, un silence envahissant les
enveloppa. Puis, faiblement, dans un calme anormal, une musique se fit
entendre, une mélodie fluctuante de flûtes, de voix et de tambours. Ayla sentit
un mouvement. Ils accéléraient de nouveau, mais cette fois cela semblait venir
de la main de gauche. Mejera, apeurée, déterminée à regagner leur monde au plus
vite, pressait plus fort encore la main d’Ayla et entraînait tout le monde dans
son sillage.
Quand ils s’arrêtèrent, Ayla sentit les deux mains tenant les
siennes. Ils étaient de retour dans la grotte, au contact immédiat de la musique.
Elle ouvrit les yeux, vit Jondalar, Zelandoni et Mejera. La lampe placée entre
eux grésillait ; elle ne contenait presque plus de graisse et une seule
mèche brûlait. Dans l’obscurité qui s’étendait au-delà, Ayla vit la flamme d’une
lampe bouger, apparemment d’elle-même, et frissonna. Ils étaient assis sur la
couverture de cuir, mais à présent, malgré sa tunique, elle se sentait glacée.
Sur un signe de Zelandoni, un acolyte apporta une autre lampe, qui remplaça
celle qui agonisait.
Ils se lâchèrent les mains – Ayla et Jondalar
gardèrent les leurs unies un battement de cœur ou deux après les autres – et
changèrent de position. Celle Qui Était la Première se joignit aux chanteurs et
amena la mélodie à son terme. Les Zelandonia allumèrent d’autres lampes, se mirent
à bouger. Certains se levèrent, avancèrent de quelques pas.
— Je voudrais te demander quelque chose, Ayla, dit la
doniate. Tu as vu des bisons sur les parois ?
— Oui. On avait peint sur les mammouths pour les
transformer en bisons, coloré la tête et la bosse du dos pour qu’elles
ressemblent à la grosse bosse que les bisons ont au garrot. Puis les parois ont
disparu et ils sont devenus de vrais
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