Les refuges de pierre
arrivée qu’elle était enceinte. Elle a maintenant un
compagnon et deux enfants. Laduna m’a raconté que, lorsque le bruit s’est
répandu qu’elle était grosse, tous les Losadunaï en âge de s’unir ont trouvé
une raison de lui rendre visite. Elle a fait son choix, mais son premier
enfant, une fille, elle l’a appelée Thonolia. J’ai vu la fillette. Elle
ressemble beaucoup à Folara quand elle était petite... Dommage qu’ils habitent
si loin, et de l’autre côté d’un glacier. La distance est longue, encore que,
sur le chemin du retour, elle m’ait paru courte après mon interminable Voyage.
Il s’interrompit, pensif, puis reprit :
— Je n’ai jamais trop aimé voyager. Je ne serais pas allé
aussi loin si je n’avais eu Thonolan pour compagnon...
Il remarqua tout à coup l’expression de sa mère et se rendant
compte qu’il parlait de son frère, cessa de sourire.
— Thonolan est né au foyer de Willamar, dit-elle, et aussi
de son esprit, j’en suis sûre. Il ne tenait jamais en place, même quand il
était bébé. Il voyage encore ?
Ayla nota à nouveau le caractère indirect des questions que
Marthona posait ou, parfois, sous-entendait. Elle se souvint que Jondalar avait
toujours été un peu déconcerté par la curiosité sans détour des Mamutoï, et eut
une soudaine révélation. Ceux qui se donnaient le nom de Chasseurs de
Mammouths, ceux qui l’avaient adoptée et dont elle avait appris les usages,
étaient différents du peuple de Jondalar. Bien que, pour le Clan, tous ceux qui
ressemblaient à Ayla fussent les Autres, les Zelandonii différaient des
Mamutoï, et dans d’autres domaines que la langue. Elle aurait à assimiler les
usages des Zelandonii si elle voulait trouver sa place chez eux.
Jondalar prit sa respiration et se rendit compte que le moment
était venu de parler à sa mère de Thonolan.
— Je suis désolé, mère. Thonolan voyage maintenant dans le
Monde d’Après, murmura-t-il en lui prenant les mains.
Les yeux clairs de Marthona montrèrent la profondeur du chagrin
qu’elle éprouvait d’avoir perdu son plus jeune fils, et ses épaules parurent s’affaisser
sous un lourd fardeau. Elle avait déjà subi la perte d’êtres chers, mais jamais
celle d’un enfant. C’était plus dur encore, lui semblait-il, de perdre quelqu’un
qui aurait dû avoir toute la vie devant lui. Elle ferma les yeux, tenta de
maîtriser son émotion puis redressa les épaules et regarda le fils qui était
revenu auprès d’elle.
— Tu étais avec lui ?
— Oui, répondit-il, sentant de nouveau sa peine. Un lion
des cavernes... Thonolan l’a suivi dans un défilé... J’ai essayé de l’en
dissuader mais il ne m’a pas écouté.
Jondalar luttait pour rester maître de lui, et Ayla se rappela
la nuit où elle avait tenu contre elle et bercé comme un enfant cet inconnu
accablé de douleur. Elle ne connaissait même pas sa langue, mais les mots ne
sont pas nécessaires pour comprendre le chagrin. Tendant la main, elle lui
toucha le bras afin de lui faire savoir qu’elle était là pour le soutenir, sans
s’immiscer dans ce moment entre mère et fils. Marthona remarqua que le geste d’Ayla
paraissait aider Jondalar. Il prit de nouveau une longue inspiration.
— J’ai quelque chose pour toi, mère, annonça-t-il. Il se
leva, alla chercher son sac de voyageur, en tira un premier paquet puis, après
réflexion, un second.
— Thonolan avait trouvé une femme et il était tombé
amoureux. C’était une Sharamudoï, un peuple qui vit près de l’embouchure de la
Grande Rivière Mère, là où elle est si large que l’on comprend pourquoi elle
tire son nom de la Grande Mère. Les Sharamudoï sont en fait deux peuples. La
moitié shamudoï vit sur terre et chasse le chamois dans les montagnes ;
les Ramudoï vivent sur l’eau et pèchent l’esturgeon géant dans la rivière. En
hiver, les Ramudoï rejoignent les Shamudoï, chaque famille d’un groupe étant
liée à une famille de l’autre, comme dans une union. On dirait deux peuples
différents mais leurs liens étroits en font les deux moitiés d’un même peuple.
Jondalar éprouvait des difficultés à expliquer cette culture
unique et complexe.
— Thonolan aimait tellement cette femme qu’il était prêt à
vivre avec les siens. Il est devenu shamudoï en s’unissant à Jetamio.
— Quel beau nom ! dit Marthona.
— Elle était belle. Tu l’aurais aimée.
— Était ?
— Elle
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