Les révoltés de Dieu
mythographes grecs, la Terre et le Tartare
enfantèrent un monstre mi-homme, mi-dragon, Typhon. Il se révolta contre Zeus
qui, pour le châtier, le foudroya et jeta sur lui le volcan Etna. Les flammes
qui surgissent du cratère de l’Etna sont donc les manifestations de la fureur
de Typhon prisonnier. Quant aux comètes et aux étoiles filantes, elles sont
bien souvent considérées comme des divinités qui viennent visiter la Terre, ou
simplement avertir les humains que leur patience est à bout. Ces allégories
réalistes et rationalistes ne sont que des « images » qui permettent
de mémoriser plus aisément certains événements ou certains moments de l’histoire
de l’univers. Elles n’expliquent absolument rien, car elles se contentent de
transcrire – parfois de façon très poétique – des observations quasi
scientifiques. Et tenter d’interpréter les récits mythologiques comme des « comptes
rendus » de phénomènes géologiques, climatiques ou sidéraux, conduit
parfois non seulement à des raisonnements simplistes, mais à des délires incontrôlables [14] .
Cela dit, la révolte ou, si l’on préfère, la chute des anges,
demeure un mystère impénétrable. S’il est question d’innombrables luttes entre
les différents clans des entités divines dans la presque totalité des récits
traditionnels de l’humanité, il n’y a strictement rien, dans la Bible hébraïque,
qui en fasse la moindre mention. L’existence des « démons » n’y est
pas niée, bien au contraire, mais la révolte supposée de ces entités spirituelles
contre le dieu créateur paraît être ignorée des rédacteurs successifs de ces
textes sacrés. Un seul élément, contenu dans deux versets de la Genèse, concerne
les événements censés s’être déroulés avant le déluge :
« Les fils des Élohîm voient les filles du Glébeux [Adam] :
oui, elles sont bien. Ils se prennent des femmes parmi toutes celles qu’ils ont
choisies » ( VI, 2, trad. Chouraqui ).
« Les Néphilîm sont sur terre ces jours et même après :
quand les fils des Élohîm viennent vers les filles du Glébeux, elles enfantent
pour eux. Ce sont les héros de la pérennité, les hommes du Nom » ( VI, 4 ).
Il est opportun de comparer cette traduction qui tente de restituer
l’essence de la langue des Hébreux, presque mot à mot, avec celle qui est
généralement adoptée par les chrétiens :
« Les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient
belles et ils prirent pour femmes toutes celles qui leur plurent. »
« Les géants étaient alors sur la terre en ces jours-là
et encore après lorsque les fils de Dieu s’unirent aux filles de l’homme et qu’elles
leur eurent engendré des enfants. Ce sont les héros des temps anciens, hommes
au grand renom. »
Il faut ajouter que l’exégèse chrétienne interprète
officiellement « fils des Élohîm » ou « fils de Dieu »
comme signifiant les descendants de Seth, et « filles du Glébeux » ou
« filles de l’homme » comme étant la lignée de Caïn. Or, rien ne
permet d’en arriver à une telle conclusion, celle-ci étant d’une absurdité
totale dans ce contexte où la Terre est peuplée conjointement par les
descendants de Seth (successeur d’Abel) qui sont des pasteurs nomades, et ceux
de Caïn qui sont des agriculteurs et des artisans sédentaires. Le sens de ces
deux versets est très clair : « les fils des Élohîm » sont des
entités spirituelles célestes qui descendent s’unir à des femmes terrestres
parfaitement incarnées. Ainsi apparaît d’ailleurs un concept qui se développera
au Moyen Âge : celui des fameux « incubes », ces démons mâles
qui s’accouplent sournoisement avec des femmes.
De plus, il ne s’agit nullement ici de la révolte du grand archange
Satan telle qu’elle est évoquée dans le christianisme, sous la pression des
thèses répandues, à partir d’Alexandrie, par différentes sectes gnostiques au
cours des deux premiers siècles de notre ère. Il s’agit bel et bien d’une « chute » :
les anges abandonnent leur état angélique de nature spirituelle pour devenir
des humains incarnés. Cela n’est pas sans rappeler les doctrines
pythagoriciennes, celles du néo-platonisme, et bien entendu celles des
gnostiques et des Cathares, à propos de l’ enfermement des âmes dans des corps matériels. L’ambiguïté de ces deux versets de la Genèse
est totale, même si la chute
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