Les révoltés de Dieu
l’activité humaine.
Les hommes de Sodome qui demandent à Loth de leur livrer les
deux « anges « sont donc dans la logique de leur système. Mais Loth –
que Yahvé considère comme juste , et qui est
effectivement dans une stricte orthodoxie – ne peut accepter une telle
aberration, d’abord parce que, s’il acceptait de livrer les deux « anges »,
il se révolterait lui-même contre le plan divin, ensuite parce qu’il manquerait
ainsi aux devoirs sacrés de l’hospitalité. C’est pourquoi, devant l’insistance
des Sodomites, il en vient à leur faire une proposition qui nous paraît choquante :
« Voici donc : j’ai deux filles que n’a pas pénétrées d’homme. Je les
ferai donc sortir vers vous : faites-leur le bien à vos yeux. Seulement vous
ne ferez rien à ces hommes, oui, ils sont venus à l’ombre de ma poutre [= sous
mon toit] » ( XIX, 8 ). Et, en effet, dans
cette civilisation d’origine mésopotamienne, l’honneur d’une femme avait moins
d’importance que les devoirs de l’hospitalité.
Cependant, les Sodomites refusent, en conformité avec leurs
convictions, la proposition de Loth, à qui ils reprochent d’ailleurs d’être un « étranger »
installé chez eux, et ils veulent prendre ses hôtes par la force. Mais c’est
alors que ces hôtes frappent les agresseurs d’aveuglement – ou de cécité – de
telle sorte qu’ils « s’épuisent à trouver l’ouverture » ( XIX, 11 ). Une fois en sécurité dans la maison, les « hommes-anges »
peuvent avoir une conversation sérieuse avec Loth. Ils lui demandent de rassembler
les personnes qui vivent avec lui et de les faire sortir de la ville :
« Oui, nous détruirons ce lieu : oui, leur vocifération a grandi en
face de Iahvé-Adonaï. Iahvé-Adonaï nous envoie pour le détruire. » ( XIX, 13 .) Loth vit avec sa femme et ses deux filles
qui sont fiancées. Il va prévenir ses deux futurs gendres, les avertissant de
ce qui va se passer, mais ceux-ci ne le croient pas. « Il est un rieur aux
yeux de ses gendres. » ( XIX, 14 .) Loth
revient donc chez lui, penaud et désespéré.
La nuit est calme, mais à l’aube, les « anges »
réveillent Loth : « Lève-toi, prends ta femme, tes deux filles qui se
trouvent là, afin que tu ne sois pas exterminé dans le tort de la ville. »
( XIX, 15 .) Visiblement, Loth est troublé et ne
réagit pas immédiatement. Alors, les « hommes forcent sa main, la main de
sa femme, la main de ses deux filles, dans la compassion de Iahvé-Adonaï à son
égard. Ils le font sortir. Ils le déposent hors de la ville » ( XIX, 16 ) et lui ordonnent de fuir au plus vite et surtout de ne pas regarder en arrière . Loth obéit et
se dirige vers la ville de So’ar (dont le nom signifie « moins que rien »).
Alors, « Iahvé-Adonaï fait pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe le soufre et le
feu de Iahvé-Adonaï, des ciels. Il bouleverse ces villes et tout le Cirque [97] ,
et tous les habitants des villes et les germes de la glèbe. Sa femme regarde
derrière lui : elle devient un pilier de sel [98] .
Abraham, au matin, se lève tôt vers le lieu où il s’était tenu face à
Iahvé-Adonaï. Il observe les faces de Sodome et de Gomorrhe, toutes les faces
de la terre du Cirque. Il voit, et voici : la vapeur de la terre montait
comme une vapeur de fournaise. » ( XIX, 24-28 .)
Certains commentateurs ont émis l’hypothèse que l’histoire
de Sodome, détruite à cause du péché de ses habitants, pouvait être le pendant
transjordanien de celle du déluge [99] . Certes, dans les deux
cas, Yahvé purifie la Terre, permettant seulement à quelques privilégiés de
perpétuer l’espèce humaine. Mais le déluge biblique est présenté comme
universel tandis que la destruction de Sodome et de sa région est parfaitement
localisée et ne touche qu’un territoire très limité, puisque Loth et ses filles
vont se réfugier dans la petite bourgade de So’ar, qui, si l’on suit le texte à
la lettre, ne paraît guère éloignée de Sodome.
Ce cataclysme, présenté comme la conséquence de la colère
divine, a donné lieu à bien des interprétations. La dernière en date en fait
tout simplement une explosion nucléaire. La tentation est alors très forte d’imaginer
une expérience alchimique (par la méthode dite de la « voie brève ») qui
aurait mal tourné, ou encore le largage d’une bombe atomique par une soucoupe
volante pilotée par des extraterrestres
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