Les révoltés de Dieu
« sodomie »
comme étant un « vice contre nature », ce qui est une contrevérité
absolue : la sodomie, en elle-même, est naturelle puisqu’elle peut être pratiquée naturellement sans le secours du moindre substitut, sans aucune « prothèse ». Non
seulement certains groupes sociaux ou religieux l’incorporaient dans leurs
rituels plus ou moins initiatiques, mais certains animaux, comme les chiens, s’y
adonnent de façon sporadique sinon habituelle. Il n’y a dans cette constatation
ni approbation ni condamnation. C’est une réalité naturelle ,
un point c’est tout.
Il semble d’ailleurs que les peuples du pays de Canaan et, d’une
façon générale, tous ceux du Moyen-Orient – et plus tard, les Grecs – aient
pratiqué la sodomie sans se poser de questions d’ordre éthique ou religieux. En
revanche, les Hébreux l’ont condamnée vigoureusement : « Avec un mâle,
tu ne coucheras pas à coucherie de femme. C’est une abomination. » ( Lévitique, XVIII, 22. ) Et cette « abomination »
doit être impitoyablement punie : « Les deux, ils sont mis à mort, à
mort, leurs sangs contre eux. » ( XX, 12 .)
On peut noter que cette « abomination » concerne les rapports
homosexuels entre hommes , et qu’il n’est fait
aucune allusion aux pratiques de l’homosexualité féminine, pourtant attestées
dans de nombreux récits anciens, mais qui semblent avoir bénéficié non pas d’indulgence
mais d’une totale indifférence.
Cette condamnation hébraïque sans appel des relations entre
hommes n’est pas justifiée par une obligation morale. Elle découle de deux
raisons fondamentales : la première est que l’homosexualité masculine est
une révolte contre Dieu , tout au moins une
révolte contre le plan divin ; en expulsant Adam et Ève du jardin d’Éden, puis
en concluant un nouveau pacte avec Noé, Yahvé a dit aux existants humains : « Croissez et multipliez. »
Or, l’union entre deux mâles est stérile . Ce
qui est essentiel dans l’optique biblique, c’est de ne jamais gâcher la semence
de l’homme afin d’assurer une postérité à certains personnages importants, de
perpétuer l’espèce et de continuer la création divine en peuplant la terre et
en la faisant fructifier. Donc la sodomie risque de perturber l’ordre et l’harmonie
du monde tel qu’il a été conçu par le démiurge.
En fait, ce ne sont pas tant les mœurs dissolues des Sodomites
et des Gomorrhéens qui sont ainsi condamnées que la doctrine qui les sous-tend,
un courant de pensée très ancien, qui se retrouvera dans le gnosticisme et le
catharisme, dans la « philosophie » du marquis de Sade et dans les
spéculations de certaines sociétés « initiatiques » contemporaines
plus ou moins lucifériennes.
Le gnosticisme a eu sa période d’apogée aux 1 er et
II e siècles de notre ère, notamment à
Alexandrie, lieu privilégié de l’amalgame des traditions égyptiennes, hellénistiques,
juives et chrétiennes. Les sectes gnostiques ont été multiples et leurs thèses
souvent fort différentes les unes et les autres, parfois contradictoires, mais
l’idée centrale demeure toujours la conviction que l’univers est régi par un
dieu usurpateur (en l’occurrence le Yahvé
biblique) qui est appelé l’ Archonte : cette
entité de nature divine est en effet responsable de l’exil du véritable
Créateur, ou plutôt de la Créatrice, désignée dans certains textes sous le nom
de Pistis Sophia , symbole de la connaissance
suprême. Pour la plupart des gnostiques, le devoir des existants humains est de tout faire pour contrer l’Archonte,
pour l’éliminer et rétablir la Pistis Sophia dans sa plénitude originelle. Ainsi apparaîtra un monde nouveau, analogue à la
« Jérusalem céleste » des chrétiens orthodoxes et, curieuse rencontre,
à l’univers qui apparaîtra après le cataclysme du Ragnarök, autrement dit le « Crépuscule
des Dieux », selon la tradition germano-scandinave.
Les théoriciens du nazisme, qui s’appuyaient sur des doctrines
secrètes plus ou moins « satanistes », n’ont pas dit autre chose :
il fallait détruire un monde imparfait – et pollué par des sous-hommes (juifs, tsiganes
et gens de « races inférieures ») – pour établir un royaume de
lumière où régnerait l’homme blanc, le pur aryen. C’est ce qu’on appelle
maintenant, de façon très pudique, de l’épuration ethnique.
Mais les gnostiques
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