Les révoltés de Dieu
navigation trouvant un insurmontable obstacle dans la quantité de
vase que l’île a déposée en s’engloutissant ». Cette information se trouve
dans le Timée de Platon, philosophe athénien
disciple de Socrate, qui vécut de - 429 à - 347 : dans ce
dialogue, sans doute l’un des plus importants avec Le
Banquet , il rapporte les paroles d’un certain Critias, descendant du
sage Solon (- 640 / - 558), célèbre législateur d’Athènes. Critias
précise bien que cette information provient des manuscrits qu’a laissés son
ancêtre après son voyage en Égypte où il a reçu les enseignements des prêtres
de Saïs. On voit que cette allusion à une catastrophe qui aurait frappé le
monde à une date reculée (et difficile à situer) n’est pas de première main, ce
qui n’est pas sans imposer d’innombrables réserves.
On a souvent accusé Platon d’avoir inventé de toutes pièces
le mythe de l’Atlantide afin d’en faire une illustration concrète de ses
théories sur les sociétés humaines [103] . Mais la disparition de
« l’île Atlantide » n’est pas un phénomène unique dans l’histoire du
monde, pas plus que le déluge biblique ou babylonien : cela fait partie
des cataclysmes naturels qui ont secoué l’univers depuis des millions d’années.
Le tout est de savoir comment et pourquoi les traditions humaines ont accroché
ces phénomènes à une révolte contre les dieux – quels qu’ils soient – suivie d’un
châtiment divin exemplaire.
Si certains commentateurs considèrent que l’histoire de l’Atlantide
est une fiction créée par Platon, beaucoup d’autres, et c’est la majorité, ont
pris le texte à la lettre et cherché assidûment sur le terrain les traces de
cette mystérieuse région engloutie « en un seul jour et en une seule nuit ».
Et là, les hypothèses vont bon train ! De l’île de Santorin, en pleine
Méditerranée, à l’île d’Héligoland dans la mer du Nord, en passant par le
Sahara, les Açores, les Sargasses et les Caraïbes, le pays de Lyonesse, au
sud-ouest de la Cornouaille britannique, le sud-ouest de l’Irlande, les
identifications se succèdent, et toutes peuvent avoir une part de réalité. Après
tout, on sait que l’île volcanique de Santorin a été le théâtre d’un grand
bouleversement géologique qui coïncide avec l’invasion de mystérieux « peuples
de la mer » déferlant sur l’Égypte et la Méditerranée orientale.
En effet, toujours sous la caution de Critias, « nos
livres [égyptiens] racontent comment Athènes détruisit une puissante armée qui,
partie de l’océan Atlantique, envahissait insolemment et l’Europe et l’Asie. Car
alors, on pouvait traverser cet océan ». Le texte est on ne peut plus
clair : on pouvait alors traverser cet océan .
De plus, il est bien établi que ces envahisseurs venaient
de l’Atlantique . Alors pourquoi chercher l’Atlantide ailleurs ? Il
faut en revenir au Timée à propos de cet océan au-delà du détroit de Gibraltar où, toujours d’après
le prêtre de Saïs, « se trouvait une île, située en face du détroit que
vous appelez, dans votre langue, les Colonnes d’Hercule. Cette île était plus
grande que l’Asie et la Libye réunies [104] . Les navigateurs
passaient de là sur les autres îles et de celle-ci sur le continent qui borde
cette mer, vraiment digne de ce nom. Car pour tout ce qui est en deçà du détroit
dont nous avons parlé, cela ressemble à un pont dont l’entrée est étroite, tandis
que le reste est une véritable mer, de même que la terre qui la borde est un
véritable continent ».
Mais si la localisation semble évidente, au-delà des colonnes d’Hercule , c’est-à-dire dans l’océan
Atlantique (et peu importe l’endroit exact), la datation de la catastrophe est
plutôt incertaine. Dans le texte de Platon, c’est 9 000 ans avant Solon, ce
qui ramène au début oriental du néolithique. Or, à cette époque lointaine, la
cité d’Athènes n’existait pas et ne pouvait en aucun cas s’opposer à la brutale
invasion des « peuples de la mer » dont il est question non seulement
dans le texte de Platon, mais aussi dans les documents égyptiens. Qui étaient
ces peuples qui ont mis en péril tout le Proche-Orient ? Personne ne peut
le dire, mais les dix millénaires avant notre ère peuvent correspondre à une
certaine réalité. Cependant, la mention du rôle d’Athènes dans cette lutte
contre les
Weitere Kostenlose Bücher