Les révoltés de Dieu
(les Açvin ), appartiennent à la troisième fonction (celle
des producteurs), plutôt à la seconde dans la tradition celtique (celle des
guerriers), tandis que chez les Latins, ils sont considérés comme les
protecteurs des navigateurs. Or, il est curieux de constater que, après la
conquête romaine, le culte des Dioscures fut inconnu des Gaulois romanisés, sauf
chez les peuples riverains de l’Atlantique, notamment des Vénètes d’Armorique
qui, d’après César, étaient les maîtres absolus de la navigation dans l’Atlantique,
la Manche et la mer du Nord. Et Diodore de Sicile ( IV,
56 ) assure que ces mêmes Vénètes, adorateurs de Castor et Pollux,
« étaient arrivés par la mer ». Les Vénètes seraient-ils les
descendants des Atlantes ? La question peut se poser [108] .
Critias poursuit son récit : « La postérité d’Atlas
se perpétua, toujours vénérée : le plus âgé de la race laissait la place
au plus âgé de ses descendants, et ils conservèrent ainsi le pouvoir dans leur
famille pendant un grand nombre de siècles. Ils avaient amassé plus de
richesses qu’aucune dynastie royale n’en a possédé et n’en possédera jamais. Enfin,
ils avaient en abondance dans la ville et dans le reste du pays tout ce qu’ils
pouvaient désirer. Et bien des choses leur venaient du dehors, à cause de l’étendue
de leur empire. »
Si l’on comprend bien, l’île Atlantide regorgeait de richesses
de toutes sortes, tant agricoles que minières, notamment grâce à un commerce
maritime hors du commun. Cet aspect maritime apparaît particulièrement étrange
lorsqu’on lit le compte rendu des travaux auxquels se livrent les habitants de
l’île : « Leur premier soin fut de jeter des ponts sur les fossés qui
entouraient l’ancienne métropole, et d’établir ainsi des communications entre
la demeure royale et le reste du pays. Ils avaient élevé de bonne heure ce
palais à la place même qu’avaient habitée le dieu et leurs ancêtres. […] Ils
avaient creusé, à partir de la mer, un canal de trois arpents de largeur, de
cent pieds de profondeur, d’une étendue de cinquante stades, et qui aboutissait
à l’enceinte extérieure. Ils firent en sorte que les vaisseaux qui viendraient
de la mer pussent y entrer comme dans un port, en ménageant une embouchure où
les plus grands pouvaient se mouvoir sans peine. Dans les enceintes de terre
qui séparaient les enceintes de mer, en face des ponts, ils ouvrirent des tranchées
assez larges pour livrer passage à une trirème, et unirent leurs bords par des
toits, de sorte que les navires les traversaient à couvert. Car les enceintes
de terre s’élevaient fort au-dessus du niveau de la mer, et l’enceinte de terre
contiguë avait les mêmes dimensions. »
Il s’agit de travaux gigantesques exécutés par des peuples
qui savaient, semble-t-il, mesurer prudemment les rapports conflictuels entre
la terre et la mer. « Le pourtour de cette île, les enceintes, le port de
trois arpents de largeur, ils revêtirent tout cela d’un mur de pierre. Ils
construisirent des tours et des portes à la tête des ponts et à l’entrée des
voûtes sous lesquelles passait la mer. […] Au milieu s’élevait le temple
consacré à Klitô et à Poséidon, lieu redoutable, entouré d’une muraille d’or, où
ils avaient autrefois engendré et mis au monde les dix chefs des dynasties
royales. C’est là qu’on venait, chaque année, des dix provinces de l’empire, offrir
à ces deux divinités les prémices des fruits de la terre. Le temple, réduit à
lui-même, avait un stade de longueur, trois arpents de largeur et une hauteur
proportionnée. Il y avait dans son aspect quelque
chose de barbare . » C’est un Grec qui s’exprime ainsi et qui
utilise des termes grecs pour définir un pays à la fois étrange et étranger ,
assez différent de la conception grecque et égyptienne de l’architecture sacrée.
Dans ces conditions, on ne peut que comparer cette description de Critias, d’ailleurs
enthousiaste, avec celles qu’on peut faire à l’heure actuelle de divers monuments
mégalithiques d’Irlande, de Grande-Bretagne et de Bretagne armoricaine : ils
obéissent à des règles d’architecture précises et symboliques, mais n’en
présentent pas moins des caractères barbares complètement étrangers aux normes helléniques. Est-ce que les constructeurs de
mégalithes, dont les plus anciens témoignages se trouvent
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