Les révoltés de Dieu
précisément sur les
bords de l’Atlantique, ne seraient pas les rescapés de la grande catastrophe
qui anéantit l’Atlantide « en un seul jour et en une seule nuit » ?
Encore une question qui se pose et qui risque de demeurer longtemps sans réponse…
Il y a autre chose encore : on peut faire la relation
entre cette vision de l’Atlantide et de la catastrophe – imaginaire ou réelle, mais
vraisemblablement réelle – qui l’a anéantie, et la légende, très christianisée,
de la ville d’Is, telle que nous l’a transmise la mémoire populaire bretonne
armoricaine. Les tenants et aboutissants sont en effet si proches qu’il n’est
pas permis de douter un seul instant d’une concordance entre les deux
traditions, mêmes si celles-ci se perdent dans la nuit des temps.
La légende de la ville d’Is est greffée sur des souvenirs
géologiques et historiques de villes englouties sous la mer, sous un lac ou
sous le sable. C’est donc un témoignage d’une réalité indubitable : des
villes ou des territoires étendus ont été détruits par des phénomènes naturels,
séismes, éruptions volcaniques ou raz de marée, ou même lente progression du
niveau des mers, à différentes époques de l’histoire de la Terre, notamment à
la fin de l’âge du bronze, quand le réchauffement de l’atmosphère a provoqué la
perdition d’établissements humains situés au plus près de la mare ou des lacs. Il
est intéressant de considérer ces catastrophes dans un cadre sinon mythologique,
du moins religieux. Car, sans aucune exception, ces disparitions de villes ou
de territoires sont liées à une révolte contre Dieu et constituent donc un châtiment.
Il serait évidemment vain de rechercher l’emplacement de la
ville d’Is armoricaine, encore que, selon toutes probabilités, il s’agit d’une
cité gallo-romaine située dans l’actuelle baie des Trépassés, à l’extrémité
occidentale de la Bretagne entre la pointe du Raz et la pointe du Van, où se
perd sous la mer une voie romaine venue de Quimper. L’essentiel réside, comme
dans le cas de Sodome et Gomorrhe, comme d’ailleurs dans celui de l’Atlantide, dans
une série d’actions humaines contraires aux desseins d’un dieu outragé qui
décide de supprimer de la surface du globe des éléments qu’il juge contraires
au plan primitif dont il est le fidèle gardien.
La légende de la ville d’Is nous est parvenue par fragments
dans la tradition populaire orale de la Bretagne armoricaine, recouverte d’une
coloration chrétienne incontestable. Mais il est facile d’en reconstituer le
schéma originels [109] : la fille du roi
Gradlon de Cornouaille, qui se nomme Dahud (d’un ancien celtique Dagosoitis , « la bonne sorcière »), demande
à son père de construire une ville dont elle sera la maîtresse incontestée et
incontestable. Ce sera une ville portuaire, bâtie à l’abri d’une digue la
protégeant des fureurs de l’océan, qui deviendra très riche et très puissante
par l’afflux des bateaux marchands venus du monde entier. On voit tout de suite
le rapport qui existe entre cette Ker Is (« ville basse ») et l’Atlantide : il s’agit d’une cité gagnée
sur la mer et qui doit sa puissance et sa richesse à cette situation
privilégiée entre la terre et la mer. Le récit de Critias, repris par Platon, ne
prétend pas autre chose.
L’Atlantide comme la ville d’Is sont des pays de cocagne, de
vrais paradis sur terre. « Pendant plusieurs générations, tant qu’il y eut
en eux quelque chose de la nature du dieu dont ils étaient issus, les habitants
de l’Atlantide obéirent aux lois qu’ils avaient reçues et honorèrent le principe
divin qui faisait leur parenté. Leurs pensées étaient conformes à la vérité et
en tous points généreuses. Ils se montraient pleins de modération et de sagesse
dans toutes les éventualités et dans leurs mutuels rapports » (Platon, Critias ).
Hélas ! le temps détruit peu à peu les bonnes volontés :
« Quand l’essence divine se fut amoindrie par un continuel mélange avec la
nature mortelle, quand l’humanité l’emporta de beaucoup, alors, impuissants à
supporter la prospérité présente, ils dégénérèrent. »
C’est alors que gonflés par l’orgueil et harcelés par un
désir effréné de puissance, les Atlantes envoient leurs armées conquérir de
nouveaux pays. Ce que raconte le prêtre de Saïs à Solon à ce propos
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