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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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faisant
fonction de maggiordomo, ouvrait la porte du carrosse et la maintenait
déclose. Monsieur de Saint-Clair, s’avançant alors, se découvrait et son
chapeau à la main aidait Monsieur de Peyrolles à saillir de ses dorures. Il devait
ensuite tendre la dextre à sa fille, tandis que de sa main gauche, elle
soulevait gracieusement le bas de son vertugadin pour non pas trébucher dans
ses plis en descendant le marchepied.
    En fait, elle feignit de ne pas voir la dextre tendue de
Saint-Clair, ce dont son père, jetant un œil en arrière, parut fort satisfait,
mais à vrai dire, il l’eût été un peu moins, s’il avait pu surprendre la rapide
œillade que sa fille, dès qu’il eut tourné son vaste dos, lança en tapinois à
son soupirant.
    Monsieur de Peyrolles, sa fille le suivant, et Monsieur de
Saint-Clair suivant la fille, les yeux fixés sur les plis ondulants de son
vertugadin, gravit alors les marches du perron, tandis que je les descendais,
l’air à la fois grave et enjoué, nuance qui ne fut pas facile à exprimer :
grave, comme il convenait au comte d’Orbieu, premier gentilhomme de la Chambre,
Chevalier de l’ordre du Saint-Esprit et seigneur d’un vaste domaine ;
enjoué, parce que j’accueillais un noble de robe qui avait eu des charges et
des dignités et possédait maintenant une belle gentilhommière et une terre qui
jouxtait la mienne : personnage de poids et d’assiette dont j’avais
l’espoir qu’en devenant le beau-père de mon intendant, il s’attacherait à moi,
et moi à lui, en toute bonne amitié et voisinage.
    Louison se tenait debout devant l’huis, qu’un valet sur un
signe d’elle devait ouvrir à deux battants à notre entrant. Elle était vêtue de
son plus beau vertugadin mais, par tact et humilité, à tout le moins apparents,
elle ne portait point le moindre bijou – sacrifice qui avait dû lui coûter
prou.
    Quand le père et la fille passèrent devant elle, elle leur
fit une fort basse et gracieuse révérence, mais ne baissant l’œil si vite
qu’elle ne vît en un éclair, dans le moindre détail, comment Mademoiselle de
Peyrolles était vêtue. Elle m’en fit le soir même une description d’une
exactitude qui m’émerveilla, car si je suis fort attentif à la façon dont nos
dames se parent – ne serait-ce que pour leur en faire compliment –,
je ne saurais prétendre posséder l’acuité et la rapidité avec lesquelles, entre
elles, elles se dévisagent.
    Il est bien vrai que Laurena de Peyrolles était vêtue comme
une princesse de cent mille écus de rentes. Mais j’admirais plus ses beaux
cheveux dorés que le filet de perles qui les maintenait et bien davantage que
ses pendants d’oreilles et son collier à trois rangées de perles,
m’émerveillaient ses yeux azuréens, son nez si joliment dessiné, son délicieux
sourire et son cou blanc délicat, lequel elle inclinait de droite et de gauche
avec beaucoup de grâce.
    Je fis asseoir Monsieur de Peyrolles à ma droite, sa fille à
ma gauche et le curé Séraphin entre elle-même et Monsieur de Saint-Clair. Et
comme il fallait que la conversation, au cours de notre dîner, parlât de tout
sauf de l’essentiel, j’interrogeai Monsieur de Peyrolles sur ses moissons,
question à laquelle il répondit avec une précision qui m’étonna : vous
eussiez cru ouïr Saint-Clair parler des nôtres. Lequel Saint-Clair fut de tout
le dîner muet comme carpe, Mademoiselle de Peyrolles aussi belle qu’une image
et aussi silencieuse et le curé Séraphin se contentant de faire « oui
oui » de la tête à tout ce qu’on disait, flatté assurément d’être là, mais
ne sachant pas très bien ce qu’il y faisait.
    Quant à moi, j’eus tout le loisir, tandis que nous parlions,
d’envisager Monsieur de Peyrolles. C’était, à cinquante ans passés, un grand
bel homme, la poitrine profonde, l’épaule large, l’œil bleu-gris, la face grave
et l’air d’un guillaume à ne pas se laisser morguer. Il portait une vêture
marron foncé – cette couleur, à mon sentiment, étant une sorte de
compromis entre le noir auquel il avait été astreint du temps qu’il était
maître des requêtes et les couleurs brillantes d’une vêture de gentilhomme auquel
il n’aurait pu, sans ridicule, aspirer, malgré cette terre dont il portait le
nom.
    Monsieur de Peyrolles était dans son discours tout aussi
mesuré et prudent, fort en éveil, pesant ses propos et les miens dans de fines
balances,

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