Les Roses De La Vie
saisir ?
— La Rochelle, parce que l’Anglais, par sympathie
protestante, pouvait ravitailler la ville par mer. Mais on n’en est pas là,
Madame. Pour l’instant, nous assiégeons Saint-Jean-d’Angély. Et même à
Saint-Jean-d’Angély, l’Anglais tenta d’intervenir.
— Par voie de terre ?
— Oh ! cela n’est pas là son élément ! Il
dépêcha une seule personne, un ambassadeur, Lord Hayes, lequel recommanda à
Louis de composer avec les sujets protestants.
— J’imagine qu’il fut fort mal reçu.
— Non, Madame, il fut reçu très poliment : Louis
caressait le projet de marier sa petite sœur Henriette avec le prince de
Galles : il était temps d’y songer. Elle avait déjà douze ans. Louis
assura donc Lord Hayes de sa bienveillance envers ses sujets protestants dès
lors qu’ils lui obéiraient. Et Lord Hayes parti, il somma Soubise de se
soumettre faute de quoi « il le saluerait avec vingt canons ».
Soubise prononça alors ces paroles étonnantes : « Je suis très sujet
et serviteur du roi, mais je ne puis rendre la place puisqu’elle a été commise
à ma garde par mon frère, Monsieur de Rohan. » Autrement dit, l’obéissance
à son aîné passait avant l’obéissance au roi ! Et quelle étrange façon de
s’exprimer ! « Je suis très sujet du roi ! » Fi donc !
quel baragouin parlait ce Breton ! De reste, ne faillant ni en vaillance,
ni en pointe et sachant la guerre, ayant servi, en ses vertes années, aux
Provinces-Unies, sous Maurice de Nassau.
« Le roi, en réponse à ces braveries, fit mettre en
batterie tout ce qu’il avait d’artillerie. Mais un combat avec les huguenots
n’était pas une drôlerie des Ponts de Cé. Dès qu’il s’agissait de se battre,
les huguenots n’en faisaient pas le semblant, pensant défendre leur foi. Le
siège dura trois semaines, coûta des vies et pour abattre ce Breton, vingt
canons ne suffirent pas. Il en fallut quarante. Quand Soubise se rendit, il
retrouva d’un seul coup ses manières polies et, redevenu « très sujet du
roi », se génuflexa devant lui et demanda pardon. Le roi le reçut sans la
moindre aménité, mais cependant le laissa libre et le renvoya à La Rochelle pour
raconter sa défaite. En quoi il eut tort, car le tenace Breton ne vint pas à
résipiscence, bien le rebours, et Louis eut derechef maille à partir avec lui.
— Monsieur, voulez-vous me permettre une question
féminine ? Où est la reine pendant ce temps ? Le roi va-t-elle la
voir et quand il la visite, demeure-t-il la nuit avec elle ?
— Madame, si je vous entends bien, vous voudriez savoir
s’il remplit à cette occasion son devoir dynastique.
— Ah Monsieur ! C’est dire la chose plutôt
crûment !
— Madame, votre pudeur vous honore et je la trouve
aussi naturelle que votre curiosité. Mais si vous m’y autorisez, je vous
satisferai plus loin, ayant alors bon nombre de choses intéressantes à vous
dire sur la reine, le roi et Luynes.
— Mais, de grâce, dites-moi incontinent ce qu’il en est
ce jour d’hui de mon charmant petit roi !
— Il n’est plus petit, Madame, mais à vingt ans, c’est
vrai, il a l’air très jeune encore, avec de bonnes joues rondes, de beaux yeux
noirs et un air tout à la fois d’innocence et de sévérité.
— J’imagine qu’il doit être, en cette campagne, tout à
son affaire, lui qui rêvait d’être comme son père un roi-soldat.
— Comme vous le savez, il s’y préparait dès ses
maillots et enfances. Que de tâches militaires il s’est imposées ! Que de
gardes il a montées en armes à la porte de sa chambre contre un ennemi
imaginaire ! Et quand il fut plus grand, que de manœuvres au Pré au Clerc
avec son régiment des gardes ! Et lui, si peu studieux, que d’efforts pour
entendre les mathématiques et le secret des fortifications ! Et le voilà,
Madame, ce jour d’hui, vêtu le plus souvent en simple soldat et l’épée ne
quittant pas son côté. Il sent qu’il touche à sa maturité. Il sait que son
premier devoir est de rétablir l’unité de son royaume. Il répète qu’il est
« en voie de devenir véritablement roi de France et que quiconque l’en
voudra détourner n’est pas son ami ».
— Qu’est-ce que cela veut dire ? Quels sont ces
gens qui l’en veulent détourner ?
— Ceux qui voudraient que la campagne s’achève avec la prise
de Saint-Jean-d’Angély et qu’on s’en retourne en Paris.
— Et
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