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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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je
trouvai la truanderie bien bonne de lui en avoir laissé une, mais qui croira
qu’elle ait eu le cœur si tendre, après l’avoir si impiteusement bâtonné ?
J’en conclus, comme vous l’eussiez fait vous-même, lecteur, que le bonhomme
m’en avait donné à garder avec son conte bleu.
    — Me le promettez-vous ? répéta Tronçon avec
insistance.
    — Monsieur, repris-je roidement, qu’on vous ait ou non
robé votre bourse et que vous préfériez vous remettre de votre bastonnade ici
plutôt que chez vous, peu me chaut. Je vous ai donné ma parole et vous ne
pouvez douter que je ne la tienne.
    — Monsieur le Chevalier, dit-il, après avoir pris le
temps d’avaler ma petite rebuffade, je vous remercie humblement.
    À bien le considérer dans la pénombre de la chambre, je
n’aimais pas beaucoup ce Tronçon-là. Il avait cette sorte de visage à la fois
mou et dur qui peut porter indifféremment l’arrogance ou la servilité, et je
doutais fort qu’il pût être longtemps pour Louis le bon serviteur qu’il
prétendait être.
    — J’en viens à vos moutons, me dit Tronçon qui, tout
soudain se redressant dans son lit, se mit à porter le pansement qui entourait
sa tête comme une couronne royale. Désirant, poursuivit-il, récompenser les
services que vous aviez rendus à Notre personne au cours de Notre entreprise
contre le traître Concini, Nous avons décidé de vous bailler une somme de deux
cent mille livres dont la moitié vous permettra d’acheter la seigneurie de la
comtesse d’Orbieu et l’autre moitié de restaurer le château et d’assainir le
domaine dont le revenu à’steure est tombé quasiment à rien. La comtesse
demeurant à Paris depuis la mort du comte et n’ayant pas intérêt à la
châtellenie n’a par ailleurs pour vivre qu’un très maigre douaire et elle
désire vendre afin de placer les pécunes qu’elle tirera de la seigneurie au
mont-de-piété de Florence au denier vingt. Excellent rapport, poursuivit
Tronçon qui perdit là quelque peu de son ton royal. Du moins, ajouta-t-il avec
un air gourmand, pour un quidam qui possède cent mille livres. Or, reprit-il,
un acquéreur s’était le premier jour présenté, mais comme c’était l’intendant
du château, Nous avons présumé qu’il ne pouvait avoir amassé une telle somme
qu’en volant à l’excès ses maîtres et Nous avons incontinent préempté le
domaine à votre bénéfice. Toutefois, cette préemption ne vous engage pas. Si
après avoir examiné le château et les terres, vous décidez de ne pas acheter.
Nous trouverons un autre moyen de vous doter. Mais d’un autre côté, si vous
achetez, Nous avons l’intention de relever pour vous le titre de comte
d’Orbieu, la comtesse n’ayant pas d’enfant mâle.
    — Mais, dis-je, assez trémulant en mon for, mais
tâchant de ne rien montrer, faudra-t-il pour cela que j’épouse la
comtesse ?
    Oyant quoi, Tronçon, oubliant tout à plein que le roi et
lui-même, dans ces tronçonnades, ne faisaient qu’un, quitta son ton majestueux
et se mit à rire.
    — Que nenni ! dit-il. Nous n’avons jamais songé à
exiger de vous un tel sacrifice ! Outre que la dame, sa vie durant, n’a
pas conçu un seul enfant, elle n’est pas des plus aimables. Nous considérons
que, par défaut d’enfant mâle, la lignée de son défunt mari s’est éteinte et
nous comptons relever le titre pour vous, dès lors que vous serez entré en
possession de la seigneurie. Voilà l’affaire !
    Quel soupir poussai-je alors ! Ce fut comme si on eût
enlevé d’un seul coup les épines d’un buisson de roses où d’aventure je m’étais
fourré. Je pouvais enfin m’approcher d’elles, m’entourer de leur fragrance et
me griser de leurs splendides couleurs.
    Tronçon, parlant en son nom personnel et par habitude royale
disant encore Nous, m’accabla de ses compliments. Je lui présentai les miens
avec des remerciements et avec des vœux, que je n’abrégeais pas, de prompte
guérison. Bref, j’en fis toute une bottelée que je jetai au plus vite dans
cette charrette-là et je le quittai le plus vite et le plus civilement que je
pus.
    Mon mouvement pour ouvrir la porte de la chambre de Tronçon
fut si prompt qu’à peu que je tombasse sur l’alberguière dont l’oreille, à ce
que je vis, était collée à l’huis. Je l’en décollai et l’entraînant dans
l’escalier à vis, je m’y arrêtai avec elle et, poussé par le grand élan de vie
qui me

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