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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dis-je, pourquoi tant de hâte ?
Il n’y a pas péril en la demeure.
    — Que si ! Nous sommes ruinés ! Et pour ainsi
parler, nous n’avons plus que nos dettes pour vivre.
    — Ruinés ? dis-je béant, mais comment cela est-il
possible ? La comtesse vit sans faste et très retirée.
    — Nous avons la moitié plus de laquais, de chambrières
et de cuisiniers qu’il n’en faut. Ces gens-là nous dévorent.
    — Pourquoi dès lors ne pas congédier le surplus ?
    Là-dessus, Saint-Clair s’échauffa quelque peu.
    — Mais c’est ce que je conseille à la comtesse depuis
que je suis en son emploi ! s’écria-t-il avec véhémence, mais elle ne veut
point m’ouïr. Ce serait, dit-elle, « perdre son rang » !
J’enrage ! Monsieur le Chevalier, avez-vous ouï cette sottise ? Le
rang ? Quel rang ? Elle ne voit personne ! Elle passe dans sa
couche ses journées à dormir ou à jouer avec son petit chien. J’abhorre cette
incurie et je quitterais demain la comtesse, si je savais où aller.
    — Mais enfin, dis-je, il n’est pas concevable que le
domaine d’Orbieu ne rapporte pas encore quelques pécunes !
    — Pas un seul sol vaillant ! Croyez-moi,
Monsieur ! Du vivant du comte on en tirait encore quelque chose. Car le
comte se rendait à Orbieu, ne fût-ce que pour chasser le gibier et surtout pour
chasser le braconnier. Le comte, assurément, n’était pas grand clerc, surtout
quand il s’agissait de mettre le nez dans les comptes et de refaire une
addition. Mais, enfin, il apparaissait encore de temps à autre. Il était,
malgré tout, le maître : on n’osait pas aller trop loin dans la fraude et
la tromperie. Mais tout changea quand il mourut. D’autant que la comtesse ne
mit plus jamais le pied à Orbieu qu’elle abhorrait. Dès lors, on ne se gêna pas.
Grande fut la picorée, et de tous côtés. Et le revenu tomba à rien.
    — Monsieur, dis-je avec un sourire, voulez-vous me
décourager tout à plein ?
    — Ce n’est pas là mon but. Orbieu, reprit Saint-Clair
avec feu, est en fait un très beau domaine de cinq cents arpents à une journée
de cheval de Paris, avec des bois, des pâtures, des labours, un étang et un
ruisseau qui alimente un moulin, des sources et un fort joli château avec
appareillage de briques et de pierres mais qui, toutefois, demande réparations.
Je serais ravi que le tout fût à moi et que j’eusse les monnaies pour le
remettre en état. J’y vivrais à demeure.
    — Aimez-vous tant le plat pays ?
    — J’en suis raffolé et me déplais fort en cette puante
Paris. Comme vous l’avez deviné, Monsieur le Chevalier, je suis de bonne
maison, quoique fort pauvre.
    — Je m’en étais avisé, dis-je en le saluant. Une de ces
lettres, repris-je, est destinée au curé d’Orbieu. J’en conclus que je dois
l’aller voir.
    — Lui le premier, Monsieur le Chevalier. Et de tous, il
vous sera le plus utile. Il a un nom prédestiné.
    Il se nomme Séraphin et il est bon prêtre, sans penchant
excessif pour la bouteille, ni faiblesse évidente pour le cotillon. En outre,
il connaît à fond ses ouailles.
    — Et l’intendant Rapinaud ?
    — Il le faudra voir aussi. Car de tous les rats qui, en
l’absence du maître, ont rongé le domaine, c’est le plus gras, le plus gros et
le plus rusé.
    — Monsieur de Saint-Clair, dis-je, je vous fais mille
mercis de la franche façon dont vous en avez usé avec moi et mille mercis aussi
pour l’aide que vous m’avez apportée. Je serais fort heureux, le cas échéant,
si vous vouliez bien me la continuer sous une autre forme.
    Il me sembla que par cette façon de dire, je rendais justice
à l’idée qui venait de germer dans mon esprit, mais sans en dire trop ni trop
peu. Saint-Clair l’entendit bien ainsi et sans trop s’avancer lui-même, il
laissa paraître dans ses yeux une vive lueur de contentement. Tant est que nous
nous quittâmes sans formuler autrement que par une tacite entente l’espoir de
nous rencontrer à nouveau.
    Comme le domaine d’Orbieu se trouvait peu éloigné de la
seigneurie du Chêne Rogneux, et moins encore de celle de La Surie, mon père et
le chevalier m’offrirent de m’accompagner en mon voyage de reconnaissance,
ayant certes plus de talent et d’expérience que moi, pour juger de la valeur
des terres, des pâtures et des bois.
    — Un titre, certes, est un titre, dit mon père, mais
m’est avis que ce n’est que parure et vanité, quand rien ne vient

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